Article paru dans TrimaX_166 (août 2017)

 

Jean-Baptiste WIROTH

Docteur en Sciences du Sport, Fondateur du réseau de coach WTS (www.wts.fr)

e-mail : [email protected]

 

 

Initialement, l’entraînement à jeun est une méthode qui consiste à s’entraîner le matin sans avoir pris de petit-déjeuner au préalable. Il est maintenant clair que la nutrition peut influencer positivement ou négativement, les adaptations physiologiques induites par l’entraînement.

 

Il existe aujourd’hui plusieurs variantes de l’entraînement que nous allons détailler.

 

 

 

Un peu de Physiologie

Le matin au réveil après une nuit de sommeil et en l’absence de prise alimentaire, on observe :

  • Un taux de sucre dans le sang (glycémie) plus bas que la normale
  • Un taux de cortisol sanguin (hormone du stress) plus élevé
  • Des réserves en glycogène hépatique réduites
  • Un estomac vide !

 

Ce contexte est particulièrement propice pour influencer le métabolisme énergétique. En effet, avec le temps et la réalisation régulière de séances à jeun, l’organisme va s’habituer progressivement à aller puiser l’énergie là où elle se trouve en quantité quasi-illimitée, à savoir dans la masse grasse tout en préservant les réserves de glycogène. Séance après séance le corps apprend donc à être plus économe et à mieux utiliser le glucose en circulation.

 

Les études récentes (2011) menées par les équipes du professeur Peter Hespel de l’université de Louvain en Belgique ont ainsi montré qu’après 6 semaines d’entraînement à jeun (3 séances de 1 à 2h par semaine à 75% de VO2max) :

  • le glycogène musculaire est mieux préservé
  • la capacité oxydative du muscle est améliorée notamment par le biais enzymatique
  • l’oxydation des lipides est modifiée positivement notamment par le biais d’une meilleure dégradation des triglycérides intra-musculaires

 

Les principaux bénéfices de cette méthode sont donc là :

  • Améliorer l’endurance en habituant l’organisme à aller puiser dans les réserves de graisse
  • Apprendre au corps à stabiliser sa glycémie en situation de déficit glucidique et d’exercice physique
  • Favoriser la perte de poids en « surconsommant » la graisse corporelle

 

Les dangers …

La méthode de l’entraînement à jeun n’est cependant pas dénuée de risques. De manière immédiate, le risque de l’hypoglycémie est beaucoup plus important lorsque l’on s’est abstenu d’absorber un petit-déjeuner. Il est donc judicieux de prévoir une source de sucre rapides au cas où (gel).

Dans la foulée de la séance, la survenue d’un coup de fatigue prononcé en fin de matinée est lui aussi fort probable.

 

A plus long terme, l’excès d’entraînement à jeun aura un impact cellulaire négatif :

– les acides gras essentiels, composant de base des membranes cellulaires subissent une oxydation accélérée

– le pool d’acides aminés va être entamé, notamment au niveau musculaire entrainant la création de nombreux déchets azotés (urée, ammoniaque, corps cétoniques…)

 

Ce qu’il faut éviter de faire

  • Rouler longtemps (plus de 1h30 dès la première sortie)
  • Rouler intensivement (rouler à plus de 80% FCmax)
  • Multiplier les séances à jeun (Plus de 2 par semaine)
  • Rester à jeun après la séance

 

La méthode Classique : s’entraîner à jeun

Protocole :

  • boire un grand verre d’eau plate dès le réveil
  • se limiter à 20 minutes d’effort
  • augmenter très progressivement l’intensité sans dépasser 80% de la FCmax
  • prévoir un gel en cas d’hypoglycémie soudaine
  • boire un grand verre d’eau à l’issue de la séance
  • prendre un petit déjeuner reconstituant à l’issue de la séance

 

La progression passe essentiellement par l’augmentation de la durée des séances (sans toutefois dépasser 2h) et par la réalisation d’exercices de travail technique (pédalage sur une jambe, variations de cadence … etc) en restant dans une intensité d’effort basse à moyenne (< 80% de FCmax).

Après plusieurs mois d’entraînement régulier à jeun, il est possible d’introduire de courtes phases de travail intensif. De nombreux athlètes de haut-niveau s’entraînent de la sorte, à commencer par les coureurs africains…

L’objectif de cette méthode est d’habituer l’organisme à utiliser la lipolyse et la néoglucogenèse pour produire de l’énergie pour l’organisme.

 

Variante 1 : Dormir « Low » puis s’entraîner à jeun

Le fait de s’entraîner en fin de journée puis de consommer un repas pauvre en glucides lors du diner permet d’aborder la séance à jeun du lendemain avec des stocks de glycogène hépatique et musculaire au plus bas. La séance d’entraînement à jeun qui suit placer donc l’organisme dans un état de déplétion glycogénique hépatique plus marqué que le simple entrainement à jeun.

L’objectif de cette méthode est d’habituer l’organisme à utiliser la lipolyse et la néoglucogenèse pour produire de l’énergie pour l’organisme.

 

Variante 2 : Débuter à jeun puis s’alimenter dans la seconde partie de la séance

Lors des séances à jeun de plus d’une heure, il peut être intéressant de terminer la séance en absorbant des glucides (une boisson énergétique par exemple). Cela permettra de limiter l’impact négatif de la séance à jeun tout en préservant une intensité de travail significative. Cette méthode peut aussi aider à entrainer le tube digestif à assimiler les glucides dans un contexte particulier.

 

Variante 3 – S’entraîner 2 fois par jour

Lorsque l’on s’entraîne 2 fois par jour, l’objectif de la première séance est de réduire les réserves en glycogène puis de s’alimenter sans absorber de glucides. La seconde séance est alors réalisée avec peu de réserves tant au niveau musculaire que hépatique. Plusieurs études ont montré que ce type d’entraînement permettait d’améliorer le métabolisme des lipides au niveau mitochondrial.

 

Variante 4 – Récupérer « low »

En temps normal, il est fondamental de prendre une collation de récupération à base de glucides et de protéines après une séance longue et/ou intense. L’objectif est d’optimiser la reconstitution des réserves de glycogène et de récupérer plus rapidement. Dans le cas de la variante consistant à récupérer low, il faut éviter de consommer des glucides pendant 1 à 2h après la séance. Ce procédé ralentit la récupération mais peut contribuer à « pousser » certaines adaptations physiologiques sur le plan de l’expression des gènes.

 

Le menu « post entrainement à jeun »

Deux options s’offrent au coureur qui vient de s’entraîner à jeun :

  • Si l’objectif est de « fondre » tant au niveau graisseux que musculaire, il doit se contenter d’une collation légère : Boisson de récupération puis petit sandwich

Il n’est bien entendu pas recommandé de rester complètement à jeun dans les heures qui suivent la séance

 

  • Si l’objectif du sportif est de rompre rapidement le catabolisme induit par la séance, il doit prendre un petit déjeuner complet
    1. jus de fruit ou fruit
    2. céréales ou pain (à volonté)
    3. 20g beurre + miel/confiture
    4. 10 fruits secs (noisettes, amandes, noix)
    5. 2 tranches de jambon ou 2 œufs au plat
    6. boisson chaude

En termes de complémentation, il convient de couvrir ses besoins en acides gras essentiels oméga 3 et en acides aminés ramifiés (leucine, isoleucine, valine).

 

Conclusion

Même si l’entraînement à jeun a été bien étudié sur le plan scientifique (250 études chez l’homme sur Pubmed), il reste encore du chemin à parcourir pour bien comprendre comment intégrer l’entraînement et la nutrition afin d’optimiser les performances d’un sportif. L’individualisation de l’entraînement ET de la nutrition est sans aucun doute l’une des clés de la progression des athlètes dans les années à venir !

 

A l’occasion de la sortie de cet article dans notre magazine 166, JB Wiroth a réalisé un LIVE FACEBOOK afin d’approfondir le sujet. Pour revoir ce LIVE :

Live sur l'entraînement à jeun

Publiée par Trimax Triathlon Magazine sur mercredi 23 août 2017

 

 

 

Références 

Periodized Nutrition for Athletes
Jeukendrup AE. Sports Med 2017 Mar 47:51-63

Beneficial metabolic adaptations due to endurance exercise training in the fasted state.
Van Proeyen K. et al. J Appl Physiol. 2011 Jan;110(1):236-45.