Jean-Baptiste WIROTH / Docteur en Physiologie de l’Exercice, www.wts.fr

[Article paru dans le magazine#162, mai 2017]

« No Pain No Gain ! » : tous les triathlètes ont entendu un jour cette devise typiquement anglo-saxonne qui pourrait être traduite par « Pas de progression sans douleur ».

Il y a bien sûr une part de vérité dans cette manière d’appréhender l’entraînement… mais il y a aussi débat !

 


Dans l’imaginaire de nombreux adeptes du triathlon, il ne peut pas y avoir de progression sans douleur ni souffrance, sans avoir poussé son corps au maximum de ses possibilités.
A l’inverse, une proportion de sportifs a un peu de mal à repousser ses limites, «ronronnant » dans un entraînement qui n’engendre plus de progression.

 

Alors où se trouve la juste limite de la souffrance à l’entraînement ?

Essayons de débattre du pour et du contre.

 

POUR le “No Pain No Gain”

C’est valable dans tous les sports mais plus particulièrement en triathlon : si l’on veut progresser, il faut augmenter à un moment ou à un autre la charge d’entraînement de manière significative.
C’est ce que l’on appelle la surcharge et cela peut être douloureux !

Le principe de surcharge est un des 4 principes de base de la préparation physique. Ce principe dit que pour progresser, il est nécessaire de soumettre son organisme à des charges de travail inhabituelles. Cette surcharge engendre généralement une adaptation de l’organisme grâce au phénomène de surcompensation.

Les adeptes du « No pain no gain » ont généralement pour devise complémentaire : « Tout ce qui ne tue pas rend plus fort ». Il faudrait donc se faire très mal à l’entraînement pour progresser.

La vraie bonne question me semble plutôt être faut-il se faire mal à chaque séance ?

Dans la majorité des cas, la réponse est évidemment NON.

Le triathlète moyen qui s’entraîne 2 à 4 fois par semaine ne doit pas faire des entraînements « durs » à chaque séance sous peine de rapidement sombrer dans un état de surentraînement plus ou moins prononcé. Il suffit de réaliser une à deux séances hebdomadaires à haute intensité pour avoir un retour sur investissement optimal.

 

 

CONTRE le No Pain No Gain

Se faire mal pour se faire mal n’a jamais été très productif en matière d’entraînement sportif. Aborder chaque séance avec une démarche de type masochiste peut être rapidement contre-productif pour qui souhaite progresser.

L’entraînement triathlon a un caractère très addictif. Plus on s’entraîne, plus l’envie de s’entraîner est forte, et dans ces conditions le risque de surmenage, voire de surentraînement devient aigüe. Rien ne sert de s’entraîner de manière stakhanoviste si la récupération ne se fait plus.

Il faut donc faire attention à ne pas se laisser emporter par une motivation débordante !

Pour éviter les déconvenues, il convient de garder le contrôle de sa préparation en respectant à la lettre le principe d’alternance entre l’entraînement et la récupération.

 

Synthèse

Pour progresser, la meilleure stratégie consiste probablement à adopter la philosophie « No Pain No Gain » ponctuellement, et non pas systématiquement.

La clé du problème réside donc dans la réalisation d’une charge d’entraînement variable et optimisée selon les périodes. Cette charge d’entraînement doit tenir compte de toutes les dimensions du sportif : les objectifs, la disponibilité, la personnalité, la capacité de récupération, le niveau de stress global … etc.

La dimension psychologique pour ne pas dire « énergétique » est bien entendue centrale. En l’occurrence, certains sportifs ont une énergie vitale débordante qu’il convient de dépenser. A l’inverse, d’autres sportifs doivent se motiver pour aller s’entraîner.

Dans ce contexte, le degré de motivation et l’envie de repousser les limites conditionneront la fréquence et l’intensité des séances « dures ».

 

Comment surcharger intelligemment ?

Comme nous l’avons vu précédemment, la mise en place de phase de surcharge est incontournable pour qui souhaite progresser.

Pour un sportif qui se prépare en vue d’un objectif donné, il est généralement préconisé de programmer une semaine de surcharge par cycle en phase de préparation orientée ou spécifique.

Lors du dernier cycle avant l’objectif, qui est généralement un cycle conçu pour obtenir un pic de forme, il convient de terminer la phase d’entraînement en surcharge au plus tard 2 à 3 semaines avant le jour J.

Il est possible de surcharger de 3 manières distinctes :

En augmentant l’intensité lors de séances d’entraînements par intervalles. La surcharge en intensité en multipliant les efforts à une intensité supérieure à 80% de la puissance maximale aérobie est très intéressante mais s’avère être relativement risquée. En effet, la fatigue engendrée par de tels efforts est souvent aigüe et il faut donc prévoir un délai de récupération conséquent pour ne pas passer au travers de son objectif.

En augmentant le volume : un grand classique que les triathlètes longues distances résument par de expressions du type « empiler les bornes ». La surcharge en volume en accumulant les kilomètres à une intensité comprise entre 60 et 80% de la puissance maximale aérobie est beaucoup moins «risquée » car plus douce. Le corolaire est qu’elle ne génèrera pas les mêmes effets en termes de progression.

En augmentant le volume ET l’intensité de manière concomitante : C’est ce qui arrive lors des stages.

 

L’expert vous répond

« Je prépare mon premier ironman cet été et je suis très motivé. Comment augmenter la charge d’entraînement sans risque ? »

Un Ironman est une épreuve Longue Distance qu’il convient de préparer avec minutie et progressivité.

L’objectif d’avoir le meilleur niveau de performance tout en ayant un la plus grande fraîcheur physique et mentale possible le jour J. Pour cela la durée optimale de préparation est de 6 mois.

Pour augmenter la charge d’entraînement sans risque, il y a plusieurs pistes :

– faites du gainage 3 fois par semaine pour avoir des fondations de condition physique solides

– si c’est possible allez à votre travail à vélo ou en marchant à allure rapide. Les quelques kilomètres que vous ferez chaque jour constitueront d’excellentes fondations aérobies

– réalisez un stage triathlon 1 à 2 mois avant l’objectif

– prenez une semaine de  récupération tous les 3-4 semaines

– faites vous aider dans la planification par un coach expert

 

 

Le surentraînement

Il ne faut pas confondre le pré-surentraînement et surentraînement véritable. Le pré-surentraînement induit un état de fatigue transitoire et survient dès que l’on s’entraîne de manière soutenue. Il suffit de quelques jours de récupération pour récupérer et retrouver l’entièreté de ses capacités.

Le syndrome de surentraînement se caractérise par une fatigue prononcée et une baisse importante des performances. Deux semaines de repos relatif ne permettent pas de corriger un véritable état de surentraînement. Un entraînement excessif et/ou un planning de compétition trop chargé sont souvent à l’origine du surentraînement. Ce syndrome est potentialisé par les facteurs de stress liés à la vie quotidienne (voyages répétés, activité professionnelle importante…).

Un état de surentraînement profond peut déboucher sur un syndrome de fatigue chronique qui est une pathologie rare, très difficile à traiter.

Outre la baisse des performances, le surentraînement se caractérise par les principaux symptômes suivants : fatigue importante, dépression, comportement flegmatique, somnolence, fréquence cardiaque de repos élevée, difficulté à faire « monter le cœur » pendant l’effort, diminution de la libido, aménorrhée (femmes), perte de l’esprit de compétition, prévalence plus importante des états infectieux…