Article paru dans le magazine 219 _Août 2022 / Rédigé par Jean-Baptiste WIROTH – PhD, Docteur en Sciences du Sport et Fondateur du réseau de coach WTS (www.wts.fr)

Le bon dosage de l’entraînement repose sur la réalisation d’une charge d’entrainement adaptée aux besoins de l’athlète. Cette charge est souvent dictée par l’âge et l’expérience de l’athlète, par la période au sein de la saison, par les objectifs… etc. Elle dépend aussi fortement du niveau de motivation de l’athlète.

Dans les sports d’endurance, la mesure de la charge d’entraînement repose sur l’équation simple : Charge = Temps x Intensité.

Si la mesure du temps est relativement aisée, la mesure de l’intensité l’est beaucoup  moins. En particulier en triathlon, où la mesure de cette charge est complexifiée par le fait qu’il y ait 3 sports qui génèrent des contraintes physiologiques différentes.

Dans cet article, nous allons faire le point sur les différentes intensités d’entraînement en natation, cyclisme et course à pied, et surtout étudier comment identifier ces intensités et se repérer dans ces zones, malgré une activité différente.

Pourquoi évaluer l’intensité ?

Beaucoup de sportifs additionnent les kilomètres et les heures d’entraînements effectués. Ils évaluent leur charge d’entraînement en termes de volume et non pas d’intensité.

« Le fait de maîtriser ces intensités permet au triathlète de travailler à la bonne allure, et d’optimiser la charge d’entraînement, contribuant ainsi à prévenir le surentraînement. »

Tout le monde sait qu’un des déterminants majeurs de la performance en compétition de triathlon est la capacité à doser son effort dans chaque épreuve. De ce bon dosage va dépendre la capacité à optimiser l’allure dans chaque sport, à réaliser des transitions efficaces et à repousser l’apparition de la fatigue en fin de course. En course, il est donc indispensable pour le triathlète de savoir dans quelle zone d’intensité il se trouve afin de gérer de façon optimale son effort, et de terminer son épreuve dans les meilleures conditions possibles.

À l’entraînement, le fait de maîtriser ces intensités permet au triathlète de travailler à la bonne allure, et d’optimiser la charge d’entraînement, contribuant ainsi à prévenir le surentraînement.

En triathlon, la difficulté réside dans le fait qu’on ne peut comparer les heures d’entraînement de chaque discipline. En effet, d’un point de vue énergétique, les conséquences de 3h de vélo ne seront pas les mêmes que 3h de course à pied. De plus, tout dépend l’intensité à laquelle ont été effectuées ces séances.

Comment évaluer l’intensité ?

La charge d’entrainement peut être comparée à un débit d’énergie. Or plus il y a de débit, plus il y a de puissance en sortie, ce qui s’accompagne généralement d’une vitesse de déplacement plus élevée.

Ainsi, plus on met de puissance dans ses coups de bras en natation, plus c’est intense. Plus on appuie sur les pédales, à fortiori a une cadence élevée, plus l’intensité est élevée. Enfin en course à pied, plus on court vite, plus l’intensité de la course est importante.

Bien entendu, l’intensité d’une séance dépend aussi d’une multitude de paramètres externes : vent, profil du parcours, état de forme du moment, séance réalisée seul(e) ou en groupe…

On peut mesurer l’intensité de manière directe par la mesure de la vitesse ou de la puissance. Mais on peut aussi l’estimer de manière indirecte par l’évaluation de la Fréquence Cardiaque ou des sensations ressenties.


L’évaluation de l’intensité :

  • En natation, cela repose principalement sur la vitesse de nage (chrono en piscine, GPS en eau libre) ou sur la mesure de la Fréquence Cardiaque
  • En vélo, l’idéal est de pouvoir mesurer la puissance mécanique développée lors du pédalage. La mesure de la Fréquence Cardiaque est un indicateur complémentaire.
  • En course à pied, cela peut se faire par la mesure de la vitesse (chrono ou GPS), par la mesure de la Fréquence Cardiaque ou, plus innovant et récent, par la mesure de la puissance.

Une méthode de mesure de l’intensité est commune aux 3 sports : la mesure de l’intensité subjective à partir de ses sensations.

Pourquoi évaluer l’intensité à partir des sensations ?

En se basant sur les sensations, le corps humain devient un instrument de mesure, et l’athlète est capable d’ajuster ses efforts en fonction des sensations qu’il ressent. Notre corps devient notre instrument de mesure, et cela devient particulièrement intéressant en triathlon où il faut jongler avec des activités et des unités de mesure très différentes (bpm, watts, km/h…).

« Pour gérer efficacement son effort à l’entraînement comme en course, il est extrêmement important de savoir situer la zone de travail. Pour cela, il est également important de corréler les sensations avec la puissance et la Fréquence Cardiaque. »

Les anglo-saxons utilisent souvent l’échelle de Borg ou RPE (Rate of Perceived Exertion) utilisent souvent l’échelle de Borg ou RPE (Rate of Perceived Exertion) qui permet d’évaluer la difficulté d’un exercice sur une échelle de 6 à 20.

En France, on utilise plutôt l’échelle d’intensité ESIE (Echelle Subjective de l’Intensité de l’Entraînement ; Grappe and all. 1999)  qui est actuellement un des moyens les plus complets pour déterminer précisément les différentes intensités d’entraînement. Cette méthode permet aussi d’évaluer la charge d’entraînement réalisée ainsi que l’impact physiologique et psychologique de cette charge. Elle va permettre d’une part de doser l’entraînement, et d’autre part d’utiliser les mêmes intensités dans chaque discipline, lesquelles comportent chacune des spécificités différentes.

Comment utiliser l’échelle d’ESIE ?

Le point de départ consiste à déterminer ses aptitudes dans chaque discipline (natation, vélo et course à pied) en effectuant un test d’effort a intensité  maximale :

  • Déterminer sa Vitesse Maximale Aérobie en natation
  • Déterminer sa Puissance Maximale Aérobie en cyclisme
  • Déterminer sa VMA en course à pieds

Ensuite, il est possible de déterminer les 7 zones à partir des résultats des tests. L’échelle ESIE est divisée en 7 zones,  de I1 à I7, qui correspondent chacune à une intensité différente, chaque intensité renvoyant à des filières énergétiques précises, déterminées en fonction de la perception de l’effort , de la puissance développée et de la fréquence cardiaque.

En effet, pour gérer efficacement son effort à l’entraînement comme en course, il est donc extrêmement important de savoir situer la zone de travail. Pour cela, il est important de corréler les sensations avec la puissance et la FC.

Au final, les sensations permettent également de se situer dans les zones d’intensité. Elles sont bien corrélées à la puissance développée et à la dépense énergétique engendrée. Les sensations, en parallèle des autres paramètres, permettent de calibrer assez précisément les zones d’intensité, ceci d’autant plus que le sportif se connaît.

Des études montrent que la puissance développée est largement corrélée aux sensations perçues par le sportif. On pourrait dire que le cerveau enregistre et stocke en mémoire les expériences passées dans les différentes zones d’intensité.

En fonction de la période, et des objectifs, il conviendra de s’entraîner à travers toutes les zones, en se posant toujours la question : « dans quelle zone je suis ? ». Cet entraînement “aux sensations” permettra de développer votre finesse perceptive, et votre capacité à doser votre effort de manière précise. Concernant le calcul précis de la charge, nous reviendrons plus en détail sur ce thème en passant en revue les différentes approches (Trimps, méthode de Foster… etc).

Références

Use of heart rate monitors by endurance athletes: lessons from triathletes

M L O’Toole et al. J Sports Med Phys Fitness. 1998 Sep;38(3):181-7.

Neural Efficiency and Ability to Produce Accurate Efforts in Different Perceived Intensity Zones. Scholler V et al. Appl Psychophysiol Biofeedback. 2021 Dec;46(4):335-345.