Article paru dans le magazine 215 _avril 2022 / Rédigé par Simon BilleRédigé par Jean-Baptiste WIROTH – PhD, Docteur en Sciences du Sport et Fondateur du réseau de coach WTS (www.wts.fr)

Utilisé depuis des siècles, le café (et ses dérivés) est un produit de consommation courante utilisé par de nombreux sportifs et triathlètes. La molécule qui nous intéresse aujourd’hui, la caféine, est  retrouvée dans de nombreux produits de consommation courante (café, cacao, thé, sodas…) mais aussi dans de nombreux compléments sportifs (boisson, gels, barres, capsules…). Sur le plan pharmacologique, cette molécule (1,3,7-triméthylxanthine) est classée dans la famille des alcaloïdes. Son absorption entraîne des effets physiologiques très significatifs, surtout si on la consomme à forte dose. Elle peut même avoir des effets thérapeutiques dans certains cas précis : migraines, constipation… Bien connue pour ses effets psycho-stimulants, la caféine aurait aussi la vertu d’améliorer la capacité de travail et la performance sportive. Concernant ce dernier point, que peuvent en retirer les triathlètes ?

De nombreuses vertus pour les sportifs

L’utilisation de la caféine dans un cadre sportif présente plusieurs intérêts sur les plans métabolique, physiologique, ou psychologique. Les connaissances actuelles montrent que cette molécule quasi  “miraculeuse” permettrait notamment de :

  • Stimuler le système nerveux.

En raison de ses effets stimulants, la caféine contribue à libérer de l’adrénaline (hormone de l’effort), facilitant la dégradation et l’utilisation du glycogène musculaire.

  • Améliorer l’absorption du glucose.

En agissant sur la muqueuse intestinale, la caféine permettrait d’absorber plus de glucose exogène durant l’effort, évitant ainsi toute baisse de la glycémie intempestive.

  • Retarder l’apparition de la fatigue neuro-musculaire, qui apparaît tôt ou tard lors d’un effort d’endurance.

Cette action permet aux muscles de continuer à fonctionner à plein régime pendant une durée plus longue. Cet effet serait induit par le fait que la caféine est un antagoniste des récepteurs nerveux à l’adénosine. Cela veut dire qu’elle se fixe sur les mêmes récepteurs, mais sans réduire l’activité neuronale. Il y a donc moins de récepteurs de disponibles pour l’inhibiteur naturel qu’est l’adénosine.

  • Améliorer la vigilance.

On peut donc fortement supposer que la caféine permet une meilleure concentration et un prélèvement de l’information plus efficace. Dans des disciplines techniques comme la descente, le trial, voir le XC, la caféine peut donc apporter un “plus”.

  • Modifier la perception de l’effort.

Après ingestion de caféine, l’effort est perçu comme moins difficile.

À noter qu’une partie des effets positifs liés à l’ingestion de caféine pourrait être induite par le goût amer du café, qui stimulerait certains récepteurs sensoriels situés dans la bouche et la gorge. Repousser la fatigue en absorbant des produits au goût amer est une piste intéressante qui mérite d’être creusée ! Cependant, tous ces effets plutôt positifs pour les sportifs d’endurance peuvent être contrebalancés par une kyrielle d’effets négatifs potentiels.

Des effets négatifs potentiels

Le principal effet négatif de la caféine réside dans son effet diurétique : l’excrétion urinaire étant augmentée après consommation de caféine, le risque de déshydratation peut être accru en cas de de consommation d’eau insuffisante. Cet état de déshydratation peut avoir des conséquences plus ou moins “lourdes” pour les sportifs, allant de simples crampes à des problèmes digestifs, au  coup de chaleur ou à des problèmes cardiaques.

Pour ceux qui ne consomment jamais de produits caféinés, le risque de subir une stimulation sympathomimétique excessive est important (en clair subir un stress supplémentaire). Dans un tel cas de figure, le sportif risque d’être sujet à des nausées, vertiges, tachycardie… Pour limiter l’ampleur de ces effets négatifs, il convient donc de tester un tel protocole à l’entraînement (dose de caféine, timing d’absorption), avant de le reproduire éventuellement sur une compétition de préparation. De plus, il convient de rappeler qu’à très haute dose, la caféine est une molécule toxique qui peut entraîner la mort.

Dopant ou pas ?

La caféine fût un moment interdite par les instances sportives, la concentration urinaire ne devant pas dépasser 12 mg/l lors d’un contrôle antidopage. Cependant, la caféine a été enlevée de la liste des produits interdits depuis quelque peu, du fait de la grande popularité des produits caféinés.

À ce jour, la caféine n’est plus considérée comme un produit dopant, même si elle est consommée à forte dose. Par contre, le fait de recourir systématiquement à la caféine avant chaque épreuve (et ne plus pouvoir s’en passer sous peine de perdre ses moyens) peut être assimilé à une “conduite dopante”. À ce titre, les conseils édictés dans cet article ne sauraient être recommandés que pour des pilotes adultes.

Conseils pratiques

Les effets consécutifs à la prise de caféine peuvent être très variables selon les individus. Cependant, la dose optimale semble se situer à 3 mg de caféine par kg de poids corporel (soit 210 mg pour un athlète de 70 kg). Cependant, pour optimiser la démarche d’utilisation de la caféine, on suggérera aux sportifs de :

  • Tester la procédure à l’entraînement ou sur une compétition mineure pour voir comment l’organisme répond;
  • Se limiter à une dose maximale de 5 mg/kg de poids corporel, pour éviter que les effets négatifs ne prennent le dessus sur les effets positifs;
  • Absorber un ou deux “expresso” 30 minutes à 1 heure avant le début de l’effort;
  • Consommer à intervalles réguliers durant l’effort des compléments caféinés (gels à la caféine, au guarana, ou au maté);
  • S’hydrater encore plus régulièrement pour éviter une déshydratation marquée.

En période d’entraînement intense, il peut être intéressant d’augmenter légèrement la consommation de caféine avant et pendant les séances, pour maximiser les effets de l’entraînement. À l’inverse, il convient probablement de réduire sa consommation en période de récupération active ou de repos pour améliorer le sommeil et la récupération. À tester bien sûr. Cette périodisation dans la supplémentation en caféine commence à faire l’objet d’études spécifiques, notamment avec les travaux récents de Pickering et al.

Teneur en caféine

La teneur en caféine des divers cafés disponibles sur le marché est extrêmement variable. Lorsque l’on analyse la teneur en caféine d’un expresso, la concentration en caféine peut aussi varier selon la granulométrie de la mouture et selon le temps de passage dans le percolateur.

Cependant, voici quelques repères :

  • 1 tasse de café filtre : 135 mg en moyenne
  • 1 tasse de café lyophilisé (type Nescafé) : 110 mg en moyenne
  • 1 tasse de café Expresso : 65 mg en moyenne
  • 1 tasse de thé noir : 45 mg en moyenne
  • 1 cannette de coca-cola : 40 mg
  • 1 tasse de thé vert : 36 mg en moyenne
  • 1 tasse de chocolat chaud : 20 mg en moyenne
  • 1 tasse de déca : 8 mg en moyenne

Lexique

Alcaloïde : Les alcaloïdes sont des substances organiques qui sont principalement d’origine végétale. On les retrouve dans les plantes. Leur particularité est qu’elles contiennent toutes au moins un atome d’azote dans la molécule. Ces substances peuvent avoir une puissante action toxique et néfaste pour l’organisme et/ou stimulante voire thérapeutique. Ils en existent des milliers. Ils sont présents au quotidien car on les retrouve dans des médicaments, des excitants, des drogues ou encore dans certains aliments (Source passeportsante.net)

Glycémie : taux de sucre (glucose) dans le sang

Sympathomimétique : littéralement « qui mime le système nerveux sympathique », qui est la partie du système nerveux central qui stimule les fonctions vitales (débit cardiaque, ventilation…). À l’opposé, le système nerveux parasympathique réduit le niveau d’activation des fonctions vitales.

Références

Pickering C, Grgic J. A time and a place: A framework for caffeine periodization throughout the sporting year. Nutrition. 2021 Feb;82:111046.

Jiménez SL, Díaz-Lara J, Pareja-Galeano H, Del Coso J. Caffeinated Drinks and Physical Performance in Sport: A Systematic Review. Nutrients. 2021 Aug 25;13(9):2944.

Grgic J. Effects of Caffeine on Resistance Exercise: A Review of Recent Research. Sports Med. 2021 Nov;51(11):2281-2298.