Article paru dans le magazine 212 _décembre 2021- janvier 2022 / Rédigé par Cédric Le Sec’h photos Gil Victoire

Le Club Triathlon. Le nom est à la fois évocateur et flou. Un club de triathlon, ok… Mais où est-il situé ? Que propose t-il ? Quelles sont les courses qu’il organise ?… Plus qu’un concept, le Club Triathlon, situé physiquement sur l’île de La Réunion, mais présent “mentalement” partout en France, est une philosophie. Et contrairement au “Fight Club” du film de David Fincher, pour lequel la 1ère règle est de ne pas en parler, nous nous sommes entretenus avec François Pierré, le Président du Club Triathlon, pour justement en parler.

Le Club Triathlon a été créé en octobre 2013. Quel est le bilan après 9 ans d’existence ?

Le bilan est exceptionnel, d’autant plus qu’à notre création, d’aucuns ne croyaient pas en la réussite de notre concept. Au final, être un club “virtuel” uniquement présent sur les réseaux n’est pas incompatible avec le fait d’être actif sur le terrain. Et nous le prouvons bien en étant un des clubs qui organise le plus d’événements. En 2013, nous avons monté le club à deux, avec trois bouts de ficelle, et nous avons depuis créé des compétitions et multiplié les actions, comme la mise en place de stages qui réunissent des athlètes de La Réunion et de la métropole. C’est ce dernier point qui était le plus important à mes yeux, concevoir des ponts entre ces deux territoires. Aujourd’hui, nous permettons ainsi à des athlètes en dehors de La Réunion de pouvoir se licencier au sein de notre club.

« Le Club Triathlon est celui de toutes les régions, pour une seule passion. »

Quel est le concept du coup ?

Un peu comme son nom l’indique, nous ne sommes le club d’aucune ville ni région. Nous ne souhaitions pas forcément identifier La Réunion, d’où ce nom un peu (trop) générique. Et pourtant, les athlètes de métropole ont été très demandeurs de signes distinctifs rappelant l’île, comme nous avons pu le constater avec les tenues que nous avons créées, très colorées et avec des motifs en palmier. Nous sommes donc bien sûr identifiés à La Réunion, mais dans les faits, Le Club Triathlon est celui de toutes les régions de France , pour une seule passion. Ainsi, un athlète de métropole, quelle que soit son implantation géographique, peut prendre une licence FFTri au sein du Club Triathlon.

Et combien de licenciés compte le club ?

Il y environ 90 licenciés, ce qui n’est pas énorme évidemment, mais le nombre de licenciés n’est pas le seul indicateur de notre réussite. Déjà, nous sommes situés à La Réunion et faire la publicité du club n’est pas évident.

Y a-t-il des tarifs de licences différents entre athlètes de La Réunion et de métropole.

(catégorique) Non. Le prix de la licence est le même pour tous, à savoir 75 €, qui se décompose en 73,50 € pour la Ligue et 1,50 € que nous prenons pour fonctionnement. C’est le tarif le plus bas de la Ligue et c’est un vrai avantage. Non seulement pour les athlètes qui ont un budget limité pour se licencier, mais également pour celles et ceux qui n’ont pas forcément un emploi du temps et rythme de vie compatibles avec les créneaux d’entraînement au sein d’un club. Payer 200 € une licence sans pouvoir bénéficier des créneaux d’entraînement ou des infrastructures, c’est loin d’être pertinent… Proposer ce concept et ce tarif à 75 € a aussi certainement permis de garder un vivier de licenciés au sein de la FFTri, en évitant leur “fuite” vers d’autres pays qui proposent des licences moins chères.

« Notre philosophie reste celle de payer la licence la moins chère de France, sans contraintes “physiques” liées aux clubs. »

Comment justement s’articulent les entraînements avec un tarif aussi bas ?

Il y a surtout des regroupements de licenciés qui se font par localisation géographique. Par exemple, à St Pierre, il y a 7-8 athlètes qui se voient tout le temps pour s’entraîner. À Paris également, il y a un groupe de 3-4 licenciés, avec lequel j’ai fait le triathlon de Paris, qui s’entrainent ensemble. Nous avons bien sûr la possibilité de fournir des plans d’entraînement pour ceux qui le souhaitent, mais il y a à présent beaucoup d’athlètes qui fonctionnent avec des coachs et plans d’entraînement personnalisés. Notre philosophie reste celle de payer la licence la moins chère de France, sans contraintes “physiques” liées aux clubs. Impossibilité de profiter des entraînements, déménagement, changement ou mutation professionnelle, contraintes familiales… sont autant de freins à se licencier dont nous affranchissons grâce à notre concept. Et encore une fois, cela permet à bon nombre d’athlètes de rester licenciés et de ne pas quitter la FFTri.

Une prise de licence “à distance” qui n’affecte en rien le côté humain…

Tout à fait. Et nous en revenons à ces ponts avec la métropole que nous avons mis en place. Par exemple, nous avons fait plusieurs fois venir Cyril Viennot lors de stages. Stages lors desquels nous avions une quinzaine de licenciés de la métropole parmi les 40 personnes présentes. Puis je prête parfois ma maison à La Salines-les-Bains à certains licenciés en provenance de la métropole, ou bien nous faisons parfois des échanges de maisons. Ça me permet aussi de faire garder le chien ! (rires) Bref, ce sont des choses toutes simples comme ça, basées sur des amitiés naissantes, qui ont créé ce côté humain du club.

Le concept du club présente de nombreux avantages, mais quels sont ses inconvénients ?

La contrepartie, comme nous n’avons pas un fonctionnement classique, avec des créneaux d’entraînement dans des infrastructures dédiées, avec des entraîneurs sur le bord, c’est que nous n’avons pas d’enfants en tant que licenciés. C’est déjà un premier manque. Puis un club sans enfants, c’est un club sans parents, qui sont bien souvent les bénévoles. Et sans bénévoles, il est difficile d’organiser des courses.

Et concernant les épreuves justement, quelles sont celles organisées par Le Club Triathlon ?

Nous avons créé le club avec un cadrage perso on va dire. Pour les courses, c’est la même philosophie. Comme le triathlon Vert Lagon, un triathlon S juste en bas de la maison, que j’ai créé à l’époque pour ma fille Marjolaine. Pour preuve, la course a lieu en février car elle a pour habitude de revenir pendant les vacances. À présent, c’est un triathlon qui est très prisé car nous avons eu plus de 300 inscrits lors de la dernière édition, le record pour un triathlon à La Réunion. Ensuite, nous avons le triathlon Le Mur, créé en 2016, et que David Hauss a remporté récemment d’ailleurs, pour son retour dans le triathlon. C’est un format un peu plus spécifique, avec une montée de 8 km qui se ponctue d’un passage à 22 ou 23 % sur 100 m. Un véritable mur, d’où le nom de la course, qui propose une ambiance “Tour de France”, la moitié des coureurs posant pied à terre. Il y a quelques années, nous avions également créé la Triple Race, une course qui ressemblait au concept de la Super League Triathlon, avec un enchaînement des disciplines dans le désordre sur des formats très courts et sur circuit fermé ! J’avais d’ailleurs contacté Chris McCormack et il était même d’accord pour faire venir une manche de SLT à La Réunion, ce qui aurait été fantastique…

Ça ne s’est pas conclu ?

Non, car la difficulté, pour faire venir de telles épreuves et organisations, ce sont les investissements à réaliser. Franchise, marketing, sponsoring… déjà nous n’avions pas le budget, et je dois admettre être extrêmement mauvais dans la recherche de partenaires. Il faut savoir que le club fonctionne actuellement avec zéro partenaire, mais c’est uniquement dû à mon incompétence à trouver des partenaires privés.

Si on revient aux épreuves, la course “reine” organisée par Le Club Triathlon est donc la 0-3000 ? (lire notre article compte rendu de la course au sein de ce magazine) Quel concept se cache derrière ce nom ?

C’est une course au format M à laquelle je crois beaucoup. 3000 représente le dénivelé positif total, car la course part du niveau de la mer, pour finir au Piton des Neiges, le point culminant de La Réunion à 3070 m. d’altitude. Il y a même 3600 m de dénivelé positif au total car il y en a la moitié sur les 45 km de vélo, et l’autre sur les 10 km de trail.

« Nous souhaiterions proposer encore plus à nos licenciés, notamment à ceux de métropole, que ce soit au niveau des compétitions, ou des tenues et équipements offerts. Il nous faudrait donc plus de moyens financiers, pour lesquels tout commence par la recherche de partenaires. »

Avec le manque potentiel de bénévoles évoqués précédemment, comment arrive-t-on à organiser une telle course, sur un vaste terrain, qui plus est accidenté en course à pied ?

En fait, nous avons deux options. Nous pouvons faire un appel à bénévoles par la radio et les réseaux sociaux, en proposant un t-shirt, une bouteille, un sandwich et un forfait de 15€. L’île étant tellement axée sur le sport, nous arrivons à trouver sans difficulté des bénévoles. L’autre option que j’avais mise en place était un principe de contrat triathlon participatif. Ainsi, chaque athlète qui venait accompagné d’un ou plusieurs bénévoles avait une réduction de 10€ sur le montant de l’inscription. Sur des courses à 25-30€, c’est non négligeable et cela permettait de participer à un triathlon à bas coût. C’est de toute façon notre philosophie : à prix coûtant.

Quelles seraient les évolutions à envisager pour le développement du club dans un avenir à moyen terme ?L’évolution majeure, qui me fait à ce jour cruellement défaut, serait de continuer à être encore plus autonome. Et pour y parvenir, il nous faut des aides et des partenaires. Tout cela nous donnerait également encore plus de visibilité, à commencer par un site internet. Actuellement nous ne sommes que sur Facebook, car le déploiement et la gestion d’un site internet nous coûterait trop cher. Ensuite, nous souhaiterions proposer encore plus à nos licenciés, notamment à ceux de métropole, que ce soit au niveau des compétitions, ou des tenues et équipements offerts. Il nous faudrait donc plus de moyens financiers, pour lesquels tout commence par la recherche de partenaires.