Article paru dans le magazine 198 _août 2020 / Rédigé par Jean-Baptiste WIROTH – PhD, Docteur en Sciences du Sport et Fondateur du réseau de coach WTS (www.wts.fr)

Lors d’un effort en triathlon, l’organisme est soumis à une contrainte importante tant au niveau métabolique que musculaire. En compétition, la contrainte est encore plus importante. Pour préparer l’organisme à ce type d’effort, il est important d’adopter une alimentation adaptée tant avant (lire notre article dans le n°197 de Trimax Magazine), que pendant, ou après. Voyons dans cet article quelles sont les recommandations en terme de nutrition “pendant l’effort”.

Le métabolisme à l’effort

La bonne maitrise de sa nutrition pendant un triathlon (ou un entraînement long et intense) est une clé pour réussir sa course ou sa séance.Comme nous l’avons vu dans le précédent numéro de Trimax (n°197), pour produire un travail musculaire d’endurance, le muscle dispose de 2 substrats énergétiques principaux : les graisses et les sucres. À l’effort, ces substrats sont métabolisés au niveau des mitochondries (les minuscules centrales énergétiques musculaires), où ils sont transformés en ATP pour être directement exploitables par les fibres musculaires.

À l’effort, le muscle utilise toujours un mélange énergétique d’acides gras et de glucose; la proportion variant en fonction de la vitesse de déplacement et du niveau d’entraînement. De manière schématique, les acides gras permettent d’aller loin et le glucose d’aller vite.  En parallèle, certains organes, en particulier le cerveau, requièrent un approvisionnement constant en glucose. Pour éviter les “coups de mou”, il est donc impératif d’absorber des glucides avec régularité dès que l’effort est supérieur à 1 h.

Quel carburant pour quelle épreuve ?

En triathlon sprint (format XS) et courte distance (format S), la vitesse est maximale et l’effort bref (1h-1h30). Le muscle a donc besoin de “supercarburant” pour produire une puissance élevée. Pour ce faire, il repose principalement sur ses réserves intrinsèques de glucides (glycogène). En triathlon longue distance (M, L, XL), l’effort est plus long et la vitesse inversement proportionnelle à la distance. Le muscle va donc reposer sur un mélange énergétique plus riche en graisses pour produire un effort de moyenne intensité.

Quels aliments privilégier pendant l’effort ?

Pendant l’effort, en particulier sur longue distance, l’objectif principal est de repousser la fatigue neuro-musculaire. Cette fatigue qui empêche de courir en fin de triathlon. Pour cela, la nutrition d’effort vise à limiter la déshydratation au maximum et à apporter un complément d’énergie glucidique pour stabiliser la glycémie. En outre, la nutrition d’effort doit permettre d’éviter les troubles digestifs particulièrement fréquents en course à pied sur format Ironman.


Les études scientifiques portant sur le sujet s’accordent actuellement à dire que l’aliment idéal doit comporter un mélange de glucides (glucose, fructose et maltodextrines). Ce mélange ne permet d’obtenir un taux d’oxydation musculaire plus élevé (de l’ordre de 1,5-1,7 g/min) que si l’on consomme l’un des 3 types de glucides de manière isolée (de l’ordre de 1 g/min). Une telle différence est liée au fait que ce sont des transporteurs spécifiques qui permettent le passage du glucose, du fructose et des maltodextrines au travers de la membrane digestive, indépendamment les uns des autres. Pour le moment, le mélange idéal (s’il existe) n’a pas encore été déterminé. On peut cependant penser qu’un rapport de 20 % glucose / 20 % fructose / 60 % maltodextrines est un bon compromis pour le triathlon longue distance (du M à l’Ironman).

Consommé à raison de 60 g par heure de course dans 500 à 700 ml d’eau, un tel mélange sera absorbé rapidement sans causer de “blocage” digestif, tout en assurant un apport en énergie et une hydratation optimale. Certains sportifs présentent une forme d’intolérance aux sucres à index glycémique élevé comme le glucose, la dextrose… (lire notre article sur l’index glycémique dans le n°197 de Trimax Magazine) qui les rend sujets à des variations de glycémie pendant l’effort. L’hyperinsulinisme est souvent la cause de ce problème. Dans le cas présent, il ne faut pas hésiter à recourir à des aliments naturels comme le miel, l’eau, les fruits.

Différence entre compétition et entraînement

En compétition, l’effort est toujours plus intense, le stress plus élevé. L’organisme et les muscles en particulier, ont donc besoin de plus d’énergie pour subvenir aux exigences de l’effort. Il est donc impératif d’adopter une nutrition appropriée avant et pendant un effort de compétition. Et il est très important d’entraîner son tube digestif à cette nouvelle contrainte : testez diverses boissons et barres énergétiques et entraînez-vous avec lors des semaines qui précèdent la course !

Comment prévenir les troubles digestifs en longue distance ?

Allant de la simple nausée aux fortes diarrhées ou aux vomissements, les troubles digestifs peuvent être particulièrement gênants voir pénalisants en terme de performance. Ils peuvent néanmoins être évités et limités en prenant un certain nombre de mesures.

Lors d’un triathlon, diverses contraintes impactent l’organisme et plus particulièrement le tube digestif. Bien souvent, c’est après plusieurs heures d’effort, durant la section de course à pied, que les différents facteurs se conjuguent et se traduisent par la survenue des troubles digestifs.

Une fois les troubles apparus, il est très difficile de renverser la tendance, aussi la prévention est la méthode la plus efficace pour ne pas être gêné dans son effort.

Voici les principaux conseils à suivre :

  • Durant les mois de préparation, il est absolument nécessaire de tester son alimentation dans des conditions similaires à celles rencontrées le jour de la compétition, puis d’entraîner son tube digestif à assimiler ce qui lui sera proposé le jour J.
  • Durant les jours précédant la compétition, il faut veiller à consommer des prébiotiques et des probiotiques, qui vont favoriser le développement de la flore intestinale. Il faut aussi éviter de se suralimenter pour ne pas surcharger le tube digestif (limiter les aliments riches en fibres tels que : pain complet, figues sèches, céréales complètes…). Il faut aussi veiller à maintenir un état d’hydratation optimal en faisant des réserves d’eau qui seront bien précieuses le jour J.
  • Au cours du dernier repas, il est recommandé de consommer des aliments très digestes. Pour ce faire, il faut donner la priorité aux féculents pauvres en fibres et en gluten (pommes de terre, riz), et ne manger que peu de matières grasses. Prévoir un temps de digestion suffisamment long entre la fin du repas et le début de l’effort. Pour un petit-déjeuner normal, il est généralement préconisé de prévoir un délai de trois heures pour que la digestion soit achevée.
  • Durant l’effort, il est indispensable de s’hydrater régulièrement afin d’assurer le bon équilibre hydrique des cellules intestinales. L’hydratation régulière est la priorité absolue ! (lire notre dossier sur l’hydratation au sein de ce même numéro de Trimax Magazine). En effet, tout état de déshydratation entraîne une moins bonne efficacité des échanges au travers de la membrane intestinale et augmente le risque de troubles digestifs. Une fois de plus, l’utilisation d’une boisson énergétique glucidique permet d’accélérer le processus d’hydratation. Il faut absolument éviter de boire glacé sous peine d’entraîner un phénomène de vasoconstriction au niveau de la circulation sanguine intestinale, et donc de bloquer le passage de l’eau et des nutriments vers le sang. Comme l’adage sportif le dit : « boisson glacée = diarrhée ! »
  • Durant l’effort, le rendement du système digestif étant diminué de 70 % par rapport au repos, il est vivement recommandé de solliciter le moins possible le tube digestif. On privilégiera donc un apport énergétique sous forme liquide (boisson énergétique hypotonique ou isotonique) ou semi liquide (eau + gels), tout en réservant les aliments solides (barres énergétiques, fruits secs) aux efforts de longue durée de plus de 3 h.
  • En cas de forte chaleur, il faut aussi faire attention au développement exponentiel des germes dans des bidons exposés à la chaleur. Pour prévenir ce type de phénomène, il est particulièrement important d’utiliser des bidons d’une propreté irréprochable. Une fois ingérés, ces germes peuvent aussi être à l’origine des troubles digestifs
  • En cas de cure d’antibiotiques, il est absolument impératif de reconstituer la flore intestinale avant de reprendre un entrainement intensif… sous peine de retomber malade ou de subir des troubles importants en compétition (diarrhées).

Exemple de stratégie nutritionnelle pour un triathlon

  • Petit-déjeuner : le petit-déjeuner pré-compétition doit avant tout être léger et digeste. Un fruit, une boisson chaude et un féculent (pain ou céréales) suffiront. Il faut toujours prévoir un délai de digestion suffisant entre la fin du repas et le début de la compétition, à savoir 1 à 3 h. Et bien entendu, il ne faut jamais changer ses habitudes le jour J !
  • T1, transition natation/vélo : 1/2 barre énergétique ou fruit + 200 ml d’eau.
  • Vélo : l’objectif est de boire 500 à 750 ml de boisson par heure de course, soit environ 100 ml de boisson énergétique toutes les 10 minutes. Consommer une barre énergétique (25 g) ou des fruits (fruits secs, banane) toutes les heures. Sur longue distance, prévoir un encas plus consistant à mi-course (sandwich ou pomme de terre vapeur).
  • T2, transition vélo/course : 1 gel énergétique au miel (25 g) + 200 ml d’eau
  • Course à pied : en pratique, un demi verre de coca ou de boisson énergétique toutes les 20-30 minutes devrait vous permettre de rallier l’arrivée sans gros “coup de mou”. Consommez un gel + 200 ml d’eau en cas de grosse baisse de régime.