Article paru dans le magazine 193 _ février 2020 / Rédigé par Jean-Baptiste WIROTH – PhD, Docteur en Sciences du Sport et Fondateur du réseau de coach WTS (www.wts.fr)

L’entraînement polarisé est une méthode d’entraînement dont les fondements sont déjà anciens. De manière schématique, l’entraînement polarisé peut se résumer de la sorte : 80% de travail à basse intensité, et 20% de travail à haute intensité. Avec l’entraînement polarisé, on évite donc la zone d’intensité « moyenne » (celle que l’on adopte en compétition sur des formats triathlon S et M) qui produit beaucoup de fatigue et peu de progression.

A noter que la méthode d’entraînement polarisée a un certain nombre de similitudes avec la loi socio-économique du 20/80 (loi de Pareto), qui veut que 20% du travail effectué engendre 80% des résultats obtenus.

Que dit la science ?

Le nombre d’études scientifiques publiées sur le thème de l’entraînement polarisé n’est pas très important. Néanmoins, les résultats présentés semblent prometteurs. 

Ainsi la dernière étude en date (Munoz et al. 2013) menée chez 30 coureurs à pied, a montré que le groupe ayant suivi un entrainement polarisé, améliorait ses performances sur 10km de manière un petit plus importante que le groupe ayant suivi un entrainement classique (+5% contre +3,6%).

Une autre étude menée chez des cyclistes entraînés (Neal et al. 2013), publiée dans le prestigieux Journal of Applied Physiology, a mis en évidence une amélioration significative de la puissance maximale de 8% après 6 semaines d’entraînement polarisé.

Les zones de travail

L’entraînement polarisé s’appuie sur 3 zones de travail : 

  • La zone 1 (basse intensité) où l’intensité est inférieure au seuil aérobie (aussi appelé premier seuil ventilatoire ou premier seuil lactique, que les adeptes de la méthode lactique placent à 2mmol.L-1
    L’entraînement en zone 1 vise principalement à améliorer les capacités « d’oxygénation » musculaire par une amélioration de la vascularisation (développement des capillaires), du nombre de mitochondries…
    En parallèle, l’entraînement en zone 1 vise à faire de la récupération active.
  • La zone 2 (intensité moyenne) où l’intensité est comprise entre le seuil aérobie et le seuil Anaérobie (aussi appelé second seuil ventilatoire ou second seuil lactique) que les adeptes de la méthode lactique placent à 4mmol.L-1

En zone 2, on roule (ou coure) plus ou moins à « allure course ». 

L’impact est surtout psychologique.

Il nous semble intéressant de moduler la limite haute de la zone 2, non pas en s’appuyant sur le seuil anaérobie, mais sur l’allure cible de course. Prenons un exemple, si votre objectif de la saison est de faire la traversée des Alpes à vélo, l’allure cible sera la puissance que vous serez capable de tenir dans chaque col (cette puissance se situant probablement en dessous de votre seuil anaérobie).

  • La zone 3 (haute intensité) où l’intensité est supérieure au seuil anaérobie. C’est ce que nombre de sportifs appellent « la zone rouge »

L’entraînement en zone 3 vise à améliorer les capacités maximales, tant sur le plan musculaire que cardio-vasculaire. En roulant en zone 3, on se place en dehors de sa zone de confort, ce qui permet de stimuler l’organisme.

Polarisation de la saison

Avec la méthode de l’entraînement polarisé, il est donc conseillé de limiter les séances en zone 2. Or nombreux sont les triathlètes qui se défoulent en allant nager, rouler ou courir  à allure « course » et qui abusent des sorties en groupe où on « se tire la bourre » à chaque séance.

 
Malheureusement, ce type d’entraînement génère une fatigue importante mais l’intensité n’est pas suffisamment conséquente pour permettre à l’organisme de progresser. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut plus s’entraîner en zone 2… il faut juste limiter ce type de travail.

En période de préparation physique générale, le travail polarisé prend tout son sens : une base d’entraînement à basse intensité (en s’entraînant seul, ou bien avec des partenaires de moindre niveau) couplée avec 1 à 3 séances par semaine d’entrainement à haute intensité (intervalles, musculation…). Cette manière de procéder est incontournable pour qui veut améliorer sa puissance maximale de manière significative. 

A l’approche des compétitions, il est probablement judicieux de travailler un peu plus à allure spécifique, ne serait-ce qu’en participant à des compétitions de préparation, ou bien en réalisant des repérages à allure « course ».

Programme d’entraînement polarisé (Exemple)

Les Intensités d’Entraînement

Le dosage de l’intensité d’une séance d’entraînement doit être effectué à partir de la fréquence cardiaque, de la puissance, et/ou des sensations. La détermination des intensités d’entraînement est idéalement faite à partir des résultats d’un test d’effort effectué en laboratoire médico-sportif. En l’absence de tels résultats, deux équations permettent d’évaluer approximativement la fréquence cardiaque maximale (FCM) :

  • Homme : FCM = 220 – âge en année
  • Femme : FCM = 226 – âge en année

L’expert vous répond

« J’adore faire des séances en groupe avec mes amis, à raison de 2-3 séances par semaine. Puis-je tout de même continuer à courir et rouler avec eux, tout en respectant la méthode polarisée ?»

Cela semble compliqué ! En effet, à moins de suivre le même programme, il est difficile de rouler ou courir à un rythme bien précis, lorsque l’on roule en groupe.
Je vous invite donc à aller courir ou rouler seul pour vos séances d’intervalles ou d’endurance de base. Vous pouvez néanmoins garder une ou deux séances par semaine avec vos amis, où l’allure sera libre (en fonction de la forme du jour, et du rythme du groupe). 

Références

Muñoz I, et al. Does Polarized Training Improve Performance in Recreational Runners?

Int J Sports Physiol Perform. 2013 May 22

Neal CM, et al. Six weeks of a polarized training-intensity distribution leads to greater physiological and performance adaptations than a threshold model in trained cyclists. J Appl Physiol. 2013 Feb 15;114(4):461-71.