Article paru dans le magazine 194 _ mars 2020 / Rédigé par Jean-Baptiste WIROTH – PhD, Docteur en Sciences du Sport et Fondateur du réseau de coach WTS (www.wts.fr)

Dans la continuité de l’article sur l’entraînement polarisé, il m’a semblé important d’aborder le sujet de l’entraînement à basse intensité, aussi appelé en endurance de base. En effet, autant il est aisé de comprendre que pour aller vite en triathlon, il faille faire des séances à une intensité égale ou supérieure à l’allure course… autant cela peut être difficile de se dire, « je vais m’entraîner lentement pour aller plus vite en course ».

Définition de l’entraînement à très basse intensité

L’entraînement à très basse intensité consiste à s’entraîner à une intensité inférieure au premier seuil ventilatoire (SV1) qui correspond peu ou prou au 1er seuil lactique. En termes d’intensité cardiaque cette zone de travail se situe chez une majorité d’athlètes à 60-70% de la Fréquence cardiaque maximale.

En termes de puissance aérobie, s’entraîner lentement vise à produire une puissance équivalente à 50-60% de la consommation maximale d’oxygène. On est donc assez loin du maximum !

Pour ceux qui préfèrent se fier à leurs sensations, l’entraînement à très basse intensité se traduit par une grande aisance respiratoire (on peut discuter sans contrainte tout en courant ou en pédalant). Sur le plan musculaire, ces séances s’accompagnent d’une absence totale de douleurs périphériques, du moins pendant les deux premières heures.

Alors pourquoi s’entraîner lentement ?

Parce que les avantages sont multiples, notamment en début de saison où la plupart des athlètes sont en train de construire les fondations de leur saison de triathlon.

  •  Premier avantage : La récupération est rapide. Ces séances  produisent relativement peu de fatigue. Cela permet d’enchainer les séances jour après jour, où même de s’entraîner de manière bi-quotidienne (2 séances par jour par exemple).
  •  Deuxième avantage : Sur le plan vasculaire, réaliser des séances à très basse intensité permet de développer le réseau capillaire musculaire par un phénomène appelé angiogénèse. Avec l’augmentation du flux sanguin ces minuscules vaisseaux sanguins qui irriguent les fibres musculaires jusqu’au plus profond des tissus se multiplient comme des petits pains permettant un apport d’oxygène, de nutriment plus conséquent. En parallèle, un réseau capillaire ramifié permet aussi d’évacuer plus efficacement les produits du métabolisme musculaires (lactates…).
  •  Troisième avantage : Sur le plan cardiaque, l’entraînement à basse intensité permet d’augmenter le Volume d’Ejection Systolique (VES) qui correspond à la quantité de sang éjectée par le cœur à chaque battement cardiaque. Le VES conditionne grandement le débit cardiaque, puisque le débit est le produit du VES par la fréquence cardiaque : Qc = FC x VES. Et qui dit débit cardiaque augmenté, dit augmentation de la VO2max !
  •  Quatrième avantage : Sur le plan métabolique, l’entraînement à basse intensité permet de développer le nombre de mitochondries, ces minuscules centrales énergétiques situées au cœur du muscle. Après un entraînement à endurance de base, votre organisme va mieux utiliser les lipides et apprendre à épargner ses précieuses réserves de glycogène.
  • Cinquième avantage : on ne prend pas de risque avec la charge d’entraînement vu que ces séances génèrent assez peu de fatigue pour peu qu’elles restent dans une durée classique (1h-1h30 en natation ou en course à pied ; 1h30 – 3h à vélo).
young swimmer man swimming in olympic pool

Quels exercices ?

L’entraînement en endurance de base peut se matérialiser de différentes manières :

  • Les séances longues sont les séances clés de l’entraînement en endurance de base. On peut les retrouver en natation en eaux libres et en course à pied mais c’est en vélo qu’elles prennent tout leur sens avec des séances qui peuvent parfois aller jusqu’à 5-6h !
  • Lors des phases d’échauffement, il est très important de consacrer 20 à 30min d’effort progressif en endurance de base avant de passer un travail plus intensif. 30min c’est la durée incompressible pour activer la lipolyse et être prêt à forcer.
  • Lors des phases de récupération active ou de retour au calme post-intervales, il est toujours bon de prévoir 10 à 15min très souple en endurance de base, pour optimiser le drainage des muscles et retrouver une température corporelle relativement normale.
  • Enfin, les séances de travail technique se font toujours sur un socle d’endurance de base. C’est particulièrement vrai en natation où le corps est porté et où l’effort peut être contenu sans difficulté.  

Conclusion

L’entraînement à très basse intensité s’inscrit comme un élément incontournable dans l’entraînement triathlon ; en particulier, pour les spécialistes du longue distance ou les athlètes de haut-niveau. Cependant, pour en tirer la quintessence, il faut combiner ce type d’entraînement avec d’autres formes de travail, à savoir l’entraînement par intervalles, le renforcement musculaire, les étirements, l’entraînement en altitude … etc.

Vaste sujet !

L’expert vous répond

« Je songe à me rendre au travail en vélo (soit 5km aller / 5km retour) à partir du printemps, est-ce que cela rentre dans le volume d’entraînement ? »

Même si ce n’est pas à proprement parlé un entraînement, le fait de se déplacer à pied ou à vélo (velotaf) pour ses activités quotidiennes, contribue de manière très intéressante aux fondations d’endurance.
Dans votre cas, si vous réalisez 10km chaque jour travaillé, cela fera probablement de l’ordre de 250km par mois ce qui est loin d’être négligeable sur le plan statistique ! Si vous maintenez ce rythme toute l’année, cela représentera de l’ordre de 2500km parcouru (en enlevant les vacances et les jours sans). Ce qui est considérable sur le plan physiologique !

Références

Olfert IM et al. Advances and challenges in skeletal muscle angiogenesis. Am J Physiol Heart Circ Physiol. 2016 Feb 1;310(3):H326-36.

Romijn, J. A., Coyle, E. F., Sidossis, L. S., Gastaldelli, A., Horowitz, J. F., Endert, E., et al. (1993). Regulation of endogenous fat and carbohydrate metabolism in relation to exercise intensity and duration. Am. J. Physiol. 265, E380–E391.