Article paru dans le magazine 200 _octobre 2020 / Rédigé par Jean-Baptiste WIROTH – PhD, Docteur en Sciences du Sport et Fondateur du réseau de coach WTS (www.wts.fr)

Pour de nombreux triathlètes, s’engager sur une distance Ironman (38 km / 180 km / 42 km) est un projet sportif motivant  et ambitieux qui nécessite une organisation sans faille, et en théorie, un volume d’entraînement très conséquent.  Cependant, le manque de temps pour s’entraîner est une vraie problématique pour de nombreux athlètes ; entre le travail, les enfants, la météo défavorable et à présent les mesures liées à la COVID-19, il n’est pas simple de faire le volume d’entraînement nécessaire.  Aussi, est-il possible de préparer un Ironman en ne s’entraînant que 5h par semaine en moyenne ? Oui c’est possible… mais sous certaines conditions !

S’il est possible de préparer un Ironman avec 5h par semaine, cela implique cependant :

  • De bien définir son objectif
  • D’être extrêmement assidu et régulier dans son entraînement
  • De mettre en place un entrainement très qualitatif à défaut d’être quantitatif
  • De programmer une période de surcharge et/ou un “week-end choc” au cours des dernières semaines d’avant course
  • De se préparer à être un peu court en distance le jour J

Revenons en détail sur chacun de ces points.

1er impératif : Définir un objectif réaliste

Nous disposons tous du potentiel pour réaliser un Ironman. Pour ceux qui sont moins confiants dans leurs capacités à nager, à rouler et à courir, terminer un Ironman pourrait être l’occasion de mieux se connaitre. Il ne s’agit pas de repousser ses limites, mais de s’exprimer en prenant en compte ses vraies limites : sans dévaluation ou surestimation. Rien ne sert donc de mettre la barre à un niveau inaccessible si vous n’avez pas les ressources le jour J pour atteindre cet objectif. Soyez donc raisonnable dans votre objectif !
Avec une préparation minimaliste à 5h par semaine, le seul objectif cohérent est de simplement terminer son Ironman proprement. Il n’y a pas lieu de faire des pronostics sur le chrono final, c’est secondaire et aléatoire. Cette logique est d’autant plus réaliste si c’est votre premier triathlon distance Ironman !

2ème impératif : être très régulier à l’entraînement

La régularité est probablement le facteur le plus important pour progresser en sport, et en particulier en triathlon. Lorsque l’on ne s’entraine que 5h par semaine, chaque séance est importante… Il faut donc impérativement s’organiser pour réaliser ces séances. Fort logiquement, il conviendra de nager 1 fois 45min à 1h, de rouler 1 fois 2 à 3h et de courir 1 à 2 fois 1h chaque semaine.

En cas d’agenda professionnel très dense, l’idéal est de programmer les séances le matin très tôt avant de débuter sa journée de travail. Deux avantages à cette organisation :

1- vous serez obligés de vous coucher tôt, ce qui est très important pour avoir un sommeil réparateur

2- vous aurez la satisfaction de débuter la journée en ayant réalisé l’entraînement prévu

Pour garder sa motivation dans la durée, la durée optimale de préparation est de 6 mois. Vous pouvez bien entendu débuter plus tôt, mais il conviendra de gérer son énergie et sa motivation pour tenir 8, 9 ou 10 mois d’entraînement régulier.

3ème impératif : aller à l’essentiel

Lorsqu’on ne dispose que de peu de temps, il faut se concentrer sur un entraînement hyper-spécifique. Donc nager, pédaler et courir au moins une fois chaque semaine. Cela constituera la base de l’entraînement.  La réalisation d’enchainement natation-vélo ou vélo-course à pied permettra de s’entraîner aux transitions (l’essence du triathlon) tout en pratiquant 2 sports en une seule séance (gain de temps).

En parallèle de ces entraînements très spécifiques, la réalisation de séances de renforcement musculaire à poids de corps ou avec du petit matériel vous permettra de développer de solides fondations de condition physique générale.

Pour terminer, aller au travail à vélo (le vélotaf) est l’une des meilleures manières de développer une base d’endurance tout en économisant du temps, de l’argent et en diminuant son empreinte carbone. Songez que si vous faites 10 km aller-retour chaque fois que vous vous rendez au travail à vélo, c’est 50 km à la fin de la semaine, 200 km à la fin du mois et de l’ordre de 2 000 km en fin d’année !

4ème impératif : réaliser une semaine de surcharge au printemps

Le principe de surcharge est un des 4 principes de base de la préparation physique. Les autres principes étant la progressivité, l’alternance entraînement/récupération, la spécificité et l’individualisation. Pour progresser et atteindre son pic de forme le jour J, il est nécessaire de soumettre son organisme à des charges de travail qui ne sont pas habituelles, permettant ainsi une adaptation tant physique que mentale grâce au phénomène de surcompensation.

Dans le cadre de la préparation d’un Ironman, ce point est très important car c’est lors de ces phases de surcharge en volume que l’on acquiert l’endurance nécessaire pour aller au bout de son Ironman. Idéalement, il convient de réaliser un bloc de surcharge de 7 à 15 jours (par exemple pendant une semaine de vacances), 4 à 6 semaines avant votre course, Au cours de ce bloc, il ne faut pas hésiter à doubler, voire tripler le volume habituel, en mettant l’accent sur la nation et le vélo qui sont les disciplines les moins traumatisantes.

Lors de ce bloc, il semble intéressant, voire indispensable, de réaliser un 180 km à vélo afin d’avoir la distance dans les jambes et de tester sa nutrition et son matériel une dernière fois. Pour terminer, la récupération étant tout aussi importante que l’entraînement, il est idéal de prendre des congés pendant cette période de surcharge afin de pouvoir bien récupérer entre les séances.  

Exemple de semaine de surcharge de 15h30

  • Lundi : Natation (1h technique)
  • Mardi : Vélo le matin (2h en position aéro) + Course à pied le soir (1h fartlek)
  • Mercredi : Vélo en endurance de base (2h)
  • Jeudi : Footing à jeun en endurance de base (1h)
  • Vendredi : Natation à jeun (1h technique)
  • Samedi : Longue séance vélo (6h)
  • Dimanche : Longue séance Course à pied (1h30 en endurance de base)

5ème impératif : Accepter d’être court en distance le jour J

Aller au bout de son Ironman nécessite des ressources importantes, tant pour la préparation que pour la course en elle-même. À moins d’avoir des gênes de champion ou de championne, aborder la course avec un volume minimaliste ne permettra pas de réaliser des chronos exceptionnels. Il convient donc de se préparer mentalement à passer de longues heures sur le parcours car vous n’aurez pas l’entraînement pour aller plus vite.
Terminer le marathon en marchant à 5-6 km/h est tout à fait faisable. Il faut juste s’y préparer et ne rien lâcher le jour J !  

Conclusion

L’Ironman est un défi tout autant physique que mental. Pour réussir ce défi, le triathlète doit mobiliser toute son énergie le jour de la course, et la gérer intelligemment pour finir le plus rapidement possible. Même si cela ne remplace pas une véritable préparation avec plusieurs blocs de surcharge et des courses intermédiaires, la préparation minimaliste à le mérite de permettre de monter progressivement en forme, d’éviter les blessures et d’aborder le dernier cycle avec des fondations d’endurance correctes.

In fine, quelle que soit le type de préparation, l’objectif reste d’aborder son Ironman en pleine forme afin d’aller au bout dans les meilleures conditions possibles. !

Focus sur le test d’effort

La préparation d’un Ironman nécessite une préparation rigoureuse où le suivi médical à toute son importance.

Dans le cadre de ce suivi, les examens les plus importants à réaliser sont :

  • Une visite médicale chez votre médecin traitant, ne serait-ce que pour la délivrance d’un certificat médical de non-contre-indication à la pratique du triathlon. Si vous n’en avez pas fait depuis longtemps, demandez à votre médecin pourra vous vous prescrire un bilan cardiologique (ECG de repos et d’effort, échocardiographie), à fortiori si vous avez plus de 40 ans et que vous subissez un stress important (travail, problèmes personnels…).
  • Un test d’effort en laboratoire (vélo). Ce test a un double objectif :

Objectif n°1 : S’assurer que le système cardio-vasculaire fonctionne normalement à l’effort, y compris maximal. Il est indispensable de réaliser ce type de test tous les 2 ans. Passé 70 ans, ce test est à réaliser tous les ans. Un examen clinique ainsi qu’un électrocardiogramme de repos et d’effort sont systématiquement pratiqués pour déceler d’éventuelles anomalies. En cas d’anomalie, le médecin ou le cardiologue prescrira des examens cardiaques complémentaires, avec en premier lieu une échographie du cœur.

Objectif n°2 : Définir le profil physiologique du sportif afin d’orienter l’entraînement le plus finement possible.

Un test réalisé en laboratoire permet aussi d’évaluer avec précision, sécurité et reproductibilité un grand nombre de paramètres. Il est ainsi possible de déterminer la fréquence cardiaque, la consommation d’oxygène, la ventilation en fonction de la puissance développée sur l’ergocycle. Ce type de test d’effort permet de déterminer la fameuse VO2max, la fréquence cardiaque maximale (FCmax) et la puissance ou vitesse maximale aérobie (PMA en vélo, VMA en course à pied).

L’obtention de telles données permet alors de situer le sportif par rapport à des valeurs de référence. Cela permet aussi et surtout de donner des orientations précises à l’entraînement afin de gommer les points faibles et de renforcer les points forts du sportif. Grâce au test, il est ainsi possible de définir des allures d’entraînement personnalisées.

Cependant, il est important de noter que les tests réalisés en laboratoire présentent l’inconvénient de placer le triathlète hors de son contexte habituel. Ainsi pédaler à puissance maximale sur un ergocycle, pas toujours adapté sur le plan biomécanique, avec un masque sur le visage n’a rien à voir avec le même effort réalisé en plein air. C’est pourquoi il est très intéressant de programmer en parallèle des tests de terrain, complémentaires des tests de laboratoire.

Paramètres à mesurer : la puissance maximale aérobie (PMA), la consommation maximale d’oxygène (VO2max), la fréquence cardiaque maximale (FCmax), et si possible la cadence maximale (Cmax). La mesure des échanges respiratoires ou le dosage du lactate (plus compliqué à réaliser) permettent d’évaluer le seuil “anaérobie” ou deuxième seuil ventilatoire (intensité à partir de laquelle il y a accumulation d’acide lactique)