Article paru dans le magazine 220 _septembre 2022 / Rédigé par Simon Billeau et photos @DR _ SWISSSIDE

La performance en triathlon est souvent rapportée aux capacités physiques des sportifs et de la façon dont ils les utilisent pour atteindre leurs objectifs. Il est facilement observable que les athlètes doivent se surpasser physiquement lors des 3 sports correspondant chacun à des qualités physiques différentes. De ce fait, de nombreuses recherches d’un point de vue physiologique, psychologique et biomécanique ont été effectuées afin de permettre de pousser au maximum les capacités des athlètes et ainsi obtenir le maximum de leur potentiel. Depuis de nombreuses années, les équipes de recherche et développement de laboratoires, d’universités et d’entreprises travaillent sur la question et ont réalisé de grandes avancées en développant une réelle science de l’entraînement.

Aujourd’hui, les triathlètes arrivent à un stade où leur potentiel physique est exploité quasiment au maximum de sa capacité. Seulement, lorsque l’analyse de la partie cycliste est effectuée, il est observé que le système de référence dans cette discipline est l’ensemble triathlète / vélo. De ce fait, après avoir poussé la recherche au sujet de la physiologie humaine, celle-ci s’est tournée vers la machine pour essayer d’améliorer ce qui pouvait l’être dans un but d’optimisation de la performance. Évidemment, des avancées ont été effectuées grâce aux études biomécaniques à propos de la position ou des forces s’appliquant sur le système par exemple. La détermination des résistances s’opposant à l’avancement est donc devenu un sujet de recherche important pour pouvoir déterminer précisément quels facteurs pouvaient encore améliorer la performance.

« Il existe 3 principales résistances qui s’opposent à l’avancement : la force de gravité, la traînée aérodynamique de l’air et la résistance au roulement. »

Des travaux sur les résistances à l’avancement dans le sport cycliste ont été réalisés, qui nous intéressent tout particulièrement. L’analyse de la performance en cyclisme est intimement liée à l’étude de la propulsion du cycliste et de sa bicyclette. La vitesse de déplacement étant dépendante des conditions environnementales (vent, terrain,…), l’indice idéal à mesurer est la puissance mécanique (Pméca , W), celle-ci prenant en compte toutes les forces s’opposant au déplacement. En conséquence, lorsque le cycliste ou un triathlète se déplace, il existe 3 principales résistances qui s’opposent à l’avancement : la force de gravité due au poids du système triathlète / vélo lorsque le profil de la route est montant, la traînée aérodynamique de l’air dépendant principalement de l’aérodynamisme du sujet, et la résistance au roulement provoquée par le contact des roues au sol et les frictions au niveau des moyeux, de la chaîne et des autres pièces.

Dans les études de Kyle (1979) et Kyle et Burke (1984), il a été démontré qu’en fonction du terrain, les résistances ne s’appliquent pas de la même façon avec une prédominance de la résistance aérodynamique sur terrain plat à vitesse élevée, alors que la résistance aux roulements est faible dans ce cas. En effet, à 50 km/h, environ 90% de la puissance mécanique totale est produite pour vaincre la résistance aérodynamique et 7 à 10% seulement pour la résistance aux roulements. Au contraire en montée, le rapport est inversé et la vitesse diminue car le poids devient la résistance prédominante (Grappe, 2009). À vitesse moindre, la résistance au roulement a donc une proportion plus importante. Ainsi, l’objectif du triathlète consiste à réduire au maximum ces 3 résistances en optimisant sa position pour diminuer la traînée aérodynamique (travail en soufflerie ou vélodrome sur la surface frontale et le coefficient de traînée aérodynamique), en réduisant le poids du système en cas de montée (rapport poids/puissance du coureur optimal et ingénierie au niveau du matériel) et enfin en minimisant les résistances au roulement (matériel).

Dans l’histoire, plusieurs études ont déjà été effectuées sur le sujet pour essayer de déterminer ces différentes résistances. Il a premièrement été étudié en soufflerie les résistances à la traînée aérodynamique grâce à différentes vitesses de vent imposées. La résistance au roulement n’était donc pas analysée. Une nouvelle méthode a été mise en place : les tests de décélération. En 1999, Candau et coll. ont utilisé une méthode de décélération permettant de déterminer les résistances s’opposant à l’avancement. Grâce à cette méthode, il est possible de chercher la ou les combinaisons optimales (position, matériel) pour réduire au maximum la résistance à l’avancement.

De nos jours, il existe maintenant des capteurs aérodynamiques qui permettent de vous aider dans la recherche d’optimisation de vos performances comme Notion Konect, Gibli ou très bientôt Aerosensor. Swiss Side a également tout un arsenal d’outils de mesures aérodynamiques, mais qui n’est pas disponible à la vente.

Pour effectuer un test de décélération, il suffit d’effectuer des passages ou 3 bandes de pression sont disposées sur le sol. Celles-ci étant reliées à un système de chronométrage. Après une phase d’accélération, le triathlète cesse de pédaler 5 mètres avant la première bande pour ensuite franchir chacune d’entre elles dans une position donnée. Les variables résistance au roulement et aérodynamiques sont déterminées grâce à un modèle mathématique. Les facteurs de performance des pneumatiques s’appliquent au système homme-machine qui doit réaliser une propulsion pour se déplacer. Le point d’application de ces 2 résistances sur le triathlète et le matériel ne sont pas les mêmes.

« Les caractéristiques du pneu entraînent une variation de la résistance au roulement et la section de celui-ci déterminera une plus ou moins grande surface frontale effective et coefficient de pénétration dans l’air. »

En effet, le triathlète doit faire face à la trainée aérodynamique et doit ainsi travailler sa position pour la diminuer alors que le matériel et le pneumatique en particulier, voit s’appliquer contre lui à la fois cette trainée aérodynamique mais également la résistance au roulement. Ainsi, les caractéristiques du pneu entraînent une variation de la résistance au roulement et la section de celui-ci déterminera une plus ou moins grande surface frontale effective et coefficient de pénétration dans l’air. Dans la littérature, il a été montré que certains boyaux, en soie par exemple, induisent une résistance de roulement plus faible (Ménard et coll, 1990) / Ménard M. 1992) que des pneus sans chambre à air ayant eux même une résistance de roulement inférieure à un boyau classique. Dans l’actualité récente, Louis Pijourlet a battu le record de l’heure française le 22 juillet dernier sur des boyaux FMB en soie et de fabrication française sur des roues prêtées par le tout jeune retraité cycliste et néo-triathlète Sylvain Chavanel…

Dans une étude de Kyle (1984), il a été rapporté que la résistance au roulement pouvait également être diminuée grâce à une bande de roulement lisse par rapport à une autre qui ne l’est pas. En plus des facteurs relatifs aux matériaux de construction du pneu (caoutchouc), pouvant induire des modifications de la résistance au roulement, la pression de l’air à l’intérieur des pneus influe également sur les performances de ces derniers.

En effet, moins il y a de pression, plus la surface de contact pneu / sol est importante et donc plus il y a de frottements et de résistance entre les deux. Cela s’avère vrai surtout en laboratoire. Seulement, il a été démontré que la résistance au roulement ne diminue pas linéairement avec la pression de gonflage mais plutôt de façon curvilinéaire et augmente de la même manière lorsque la force verticale appliquée sur le pneu augmente (Grappe and coll, 1999). Dans ce sens, une étude a montré l’existence d’une relation entre cette surface de contact, appelée ellipse, et le coefficient de roulement qui montrerait que plus l’ellipse de contact augmente sa taille, plus le coefficient de roulement serait important (Ménard M., 1992). Dans cette même étude, l’auteur avance également que les propriétés d’un pneu à large section lui permettraient de générer moins de déformations locales par rapport à un pneu de section plus petite. Cependant, il faut prendre en compte le fait que plus la section augmente, plus la trainée aérodynamique augmentera également.

Le caoutchouc prendrait cette forme d’ellipse du fait du sens du mouvement sans qu’il n’y ait glissement ou dérapage. À partir de cela, il était établi que les pertes d’énergie d’un pneumatique sont dues à l’hystérésis du matériel. Pour mieux comprendre, il faut prendre l’exemple d’une matière que l’on étire. Lorsque la tension est relâchée, si la matière revient directement à sa forme initiale, il n’y a pas de pertes d’énergie. Au contraire, si la matière met du temps à reprendre sa forme, il existe des pertes d’énergie que l’on appelle hystérésis. Dans le cas du pneumatique, c’est le caoutchouc qui est déformé. Ainsi lorsque la roue tourne, le pneumatique prend une forme d’ellipse lors du contact avec le sol et ne reprend pas sa forme initiale immédiatement après l’avoir quitté. Il s’agit donc de trouver un compromis entre tous les facteurs évoqués pour permettre une performance optimale du matériel. Le choix des pneumatiques est donc très important.

« La recommandation est d’avoir toujours une pression plus petite sur votre roue avant comparée à votre roue arrière car la pression de gonflage influe sur l’adhérence et le grip (…) et de gonfler un peu moins plutôt qu’un peu trop. »

De nombreux sites internet comparent les résistances au roulement des différentes marques. On retrouve en tête de ces classements avec très peu de watts d’écart les marques Vittoria, Schwalbe ou Michelin. Souvent, ce sont des pneus tubeless qui briguent les premières places. Cependant, sachez qu’un pneu tubeless utilisé avec une chambre en latex (à contrario d’une chambre butyl) ne pénalise pas la résistance aux roulements selon les tests effectués par Aerocoach UK. Pour les amoureux et nostalgiques des boyaux, sachez que leur performance est également très bonne et sûrement tout en haut du classement en ce qui concerne les boyaux FMB, sans oublier qu’une paire de roues à boyaux est bien plus légère qu’une paire pour pneus.

https://fm-boyaux.cc/fr/route/56-151-performance-tt-.html#/27-largeur-25/34-carcass e-soie

Pour ce qui est de la pression des pneus, la communauté triathlétique n’a pas beaucoup de repère dans ce domaine. Souvent, on entendait autrefois la « règle des 10%” du poids de corps ». Pour un athlète de 80 kg, on préconisait 8 bars. C’est très approximatif. Cela ne prend pas en compte le poids du vélo, de la tenue, des bidons, du climat (si c’est sur route sèche ou mouillée), l’altitude et donc la pression barométrique, la largeur du pneu, la qualité du revêtement, la différenciation roue avant et arrière…

Aujourd’hui, on n’en sait toujours pas beaucoup plus et nombreux d’entre nous gonflons nos pneus ou boyaux au feeling. C’est un point pourtant crucial pour optimiser la performance de nos pneus. Suivant la qualité du revêtement, un pneu ne réagira pas pareil. Si la route est neuve, les roues “flottent” sur la surface lisse et une pression un peu plus élevée s’avère plus performante. En revanche, si la route est ancienne et granuleuse, vous bénéficierez d’une pression légèrement plus basse. La raison est qu’un pneu trop gonflé rebondit sur les aspérités et donc le centre de gravité du vélo parcourt plus de distance.

Il y a également des sites internet qui permettent de vous conseiller au sujet de la pression de gonflage. Même les meilleurs ne sont pas parfaits selon moi, mais peuvent être un point de départ si vous n’avez pas de connaissance en la matière. Cependant, contrairement à ces sites, je vous recommanderais toujours une pression plus petite sur votre roue avant comparée a votre roue arrière car la pression de gonflage influe sur l’adhérence et le grip. Or, en cas de chute potentielle, il est plus facile de sauver une situation ou la roue arrière perd l’adhérence plutôt que la roue avant.

Enfin, pour celles et ceux qui veulent optimiser ce critère limitant de la performance qu’est la pression de gonflage, il existe des capteurs de pression qui vous indiquent de manière précise (marge d’erreur de 1% pour la marque SKS avec leur modèle Airspy par exemple, présenté dans ce numéro). Savoir quelle est la pression réelle dans vos pneus est mine de rien important quand on veut économiser quelques watts. Sachant que les pompes ont une marge d’erreur de 5-6 %, si le jour de la course vous utilisez la pompe d’un copain qui sous-estime la pression, vous risquez de perdre pas loin de 10 watts pour par exemple seulement 10 psi de pression en trop par rapport à la pression idéale. Ainsi, ces capteurs s’avèrent intéressant et annihilent le risque d’erreur de lecture de la pression. Le tip de la rédaction, c’est de gonfler un peu moins plutôt qu’un peu trop.