Article paru dans le magazine 209 _septembre 2021 / Rédigé par Simon Billeau

Le mois d’août a été fort en émotions, que ce soit avec les Jeux Olympiques dans un premier temps et puis les Jeux Paralympiques à la fin du mois. Plus spécifiquement en triathlon, la médaille tant attendue en individuel chez les garçons n’a pas été au rendez-vous. On a vibré néanmoins grâce à l’équipe de France lors du relais. C’est donc grâce à la mixité que la France revient auréolée d’une médaille de bronze. 5 années plus tôt, lors des Jeux de Rio en 2016, c’était grâce à une paratriathlète que la France revenait fière de ces Jeux. Gwladys Lemoussu avait glané la médaille de bronze dans la catégorie PT4 (à présent PTS5). Ce sport moderne, dynamique et excitant voit ses athlètes concourir sur un format traditionnel de la distance sprint (750 m de natation, 20 km de vélo et 5 km de course à pied) mais avec des différences. Après la partie natation, les paratriathlètes peuvent récupérer leur équipement d’assistance dans la zone “pré-transition” avant d’entrer dans la zone transition. Zoom sur le paratriathlon et ses athlètes hors du commun…

Les catégories en paratriathlon

Il y a neuf classes sportives en paratriathlon qui concourent dans six épreuves médaillées :

  • PTWC1 – Les utilisateurs de fauteuils roulants les plus en situation de handicap. Les athlètes doivent utiliser un vélo à main couché sur le parcours de vélo et un fauteuil roulant de course sur la partie de course à pied. Cette catégorie comprend les athlètes ayant une limitation d’activité comparable et une déficience, mais sans s’y limiter, de la puissance musculaire, une déficience des membres, une hypertonie, une ataxie ou une athétose.
  • PTWC2 – Les utilisateurs de fauteuils roulants les moins handicapés. Les athlètes doivent utiliser un vélo à main couché sur le parcours de vélo et un fauteuil roulant de course sur le segment de course à pied. Cette catégorie comprend les athlètes ayant une limitation d’activité comparable et une déficience, mais sans s’y limiter, de la puissance musculaire, une déficience des membres, une hypertonie, une ataxie ou une athétose.
  • PTS2 – Les athlètes ayant des déficiences sévères. Dans les segments vélo et course, les athlètes amputés peuvent utiliser une prothèse approuvée ou d’autres dispositifs de soutien. Cette catégorie comprend les athlètes ayant une limitation d’activité comparable et une déficience, mais sans s’y limiter, une déficience des membres, une hypertonie, une ataxie et/ou une athétose, une diminution de la puissance musculaire ou de l’amplitude des mouvements.
  • PTS3 – Les athlètes ayant des altérations significatives. Dans les segments vélo et course, les athlètes amputés peuvent utiliser une prothèse approuvée ou d’autres dispositifs de soutien. Cette catégorie comprend les athlètes ayant une limitation d’activité comparable et une déficience, mais sans s’y limiter, une déficience des membres, une hypertonie, une ataxie et/ou une athétose, une diminution de la puissance musculaire ou de l’amplitude des mouvements.
  • PTS4 – Les athlètes ayant des déficiences modérées. Dans les segments vélo et course, les athlètes amputés peuvent utiliser une prothèse approuvée ou d’autres dispositifs de soutien. Cette catégorie comprend les athlètes ayant une limitation d’activité comparable et une déficience, mais sans s’y limiter, une déficience des membres, une hypertonie, une ataxie et/ou une athétose, une diminution de la puissance musculaire ou de l’amplitude des mouvements.
  • PTS5 – Les athlètes ayant des déficiences légères. Dans les segments vélo et course, les athlètes amputés peuvent utiliser une prothèse approuvée ou d’autres dispositifs de soutien. Comprend les athlètes ayant une limitation d’activité comparable et une déficience, mais sans s’y limiter, une déficience des membres, une hypertonie, une ataxie et/ou une athétose, une diminution de la puissance musculaire ou de l’amplitude des mouvements.
  • PTVI1 – Cette catégorie comprend les athlètes totalement aveugles, depuis l’absence de perception de la lumière dans les deux yeux jusqu’à une certaine perception de la lumière. Un guide est obligatoire tout au long de la course. L’athlète doit rouler en tandem pendant la partie vélo. Un guide de la même nationalité et du même sexe est obligatoire tout au long de la course.
  • PTVI2 – Cette catégorie comprend les athlètes qui sont des athlètes malvoyants plus sévères. Un guide est obligatoire tout au long de la course. L’athlète doit rouler en tandem pendant la partie vélo. Un guide de la même nationalité et du même sexe est obligatoire tout au long de la course. en tandem pendant le segment vélo.
  • PTVI3 – Cette catégorie comprend les athlètes qui sont des athlètes malvoyants moins sévères. Un guide est obligatoire tout au long de la course. L’athlète doit rouler en tandem pendant le segment vélo. Un guide de la même nationalité et du même sexe est obligatoire tout au long de la course..

Les catégories PTWC1 et PTWC2 concourent dans la même épreuve de médaille PTWC. Toutes les classes ambulantes (PTS2-PTS5) concourent dans leur propre épreuve médaillée et les trois catégories d’athlètes malvoyants (PTVI1, PTVI2 et PTVI3) concourent dans l’épreuve médaillée PTVI. Aux Jeux Paralympiques de Tokyo, les catégories en lice étaient  : PTS2 Femmes, PTS4 Hommes, PTVI Hommes & Femmes, PTWC Homme & Femmes, PTS5 Hommes & Femmes.

Ces Jeux Paralympiques de Tokyo ont une double signification à mes yeux. Ils sont d’une part organisés lors d’une pandémie mondiale, ce qui est déjà un exploit en soi, mais aussi et surtout, ces paratriathlètes nous montrent à toutes et tous que rien n’est impossible. Nous allons donc nous concentrer ce mois-ci sur les paratriathlètes et notamment comment les accueillir au sein des clubs, comment s’entraîner avec eux pour que nos clubs qui portent en eux-mêmes un message vecteur de solidarité, d’entraide et de convivialité se posent en un véritable modèle de société au-delà des différences.

L’intégration dans les clubs

Commençons par quelques chiffres. La France est composée de 67 millions d’habitants. De ces 67 millions, 12 millions d’entre eux sont des personnes en situation de handicap, soit environ 1 personne sur 5. Par ailleurs, dans la population, 34% des personnes ne pratiquent pas d’activité physique, alors qu’ils sont 48% chez les personnes en situation de handicap à en faire. Plus spécifiquement, la Fédération Française de Triathlon compte 60 000 licenciés dont 152 paratriathlètes en 2020, contre 57 en 2009.

Ces chiffres nous montrent plusieurs choses. La première, c’est que le réservoir de potentiels pratiquants sportifs ayant un handicap est sous-estimé. Par ailleurs, cette population ne pratique pas autant que leur pairs “valides”. On ne peut que s’attrister de cet écart et il reflète en partie la méconnaissance de la singularité des personnes en situation de handicap. Et par conséquent leur accès au sport, et donc à une vie sociale pleine et épanouie. Chaque club de triathlon en France a la possibilité d’accueillir en son sein une ou plusieurs personnes en situation de handicap. La première des choses à s’assurer est la volonté du conseil d’administration d’ouvrir ses portes à cette population particulière, d’après Patrice Barthoux, président du club de Montélimar, dont 15 paratriathlètes composent les rangs de ce club d’Auvergne Rhône Alpes. Ensuite, il est bon de savoir que les paratriathlètes recherchent à être considérés comme des personnes “valides” à part entière. Ce sont souvent plus les triathlètes classiques qui ont peur des différences.  « L’entraînement d’une personne en situation de handicap ? C’est de prendre en compte ses spécificités pour lui proposer un entraînement adapté et proposer des remédiations » selon Cyrille Mazure, CTN en charge du développement du paratriathlon et responsable des classifications.

Ainsi, lorsqu’une personne en situation de handicap contacte un club de triathlon, le “savoir-être” des bénévoles et salariés de ce club englobe l’écoute, la passion, l’ingéniosité, le pragmatisme, la capacité d’adaptation, l’ouverture d’esprit et le travail d’équipe.

Pour le bien de tous, la diversité des membres d’un club en fait sa richesse. Il va donc de soi que l’inclusion des personnes en situation de handicap est à favoriser dans tous les aspects de la vie du club, que cela soit sportif ou social. On pense évidemment en premier lieu à l’accès aux infrastructures sportives. En prenant l’exemple de la piscine, on peut imaginer le parcours à partir de la place de parking ou de l’arrêt de bus le plus proche jusqu’à la ligne d’eau. Mais on oublie assez facilement l’accès au “club house” qui est le lieu où la vie sociale y est tout autant importante.

L’importance du réseau fédéral et des compétences

Le réseau est également très important. Evidemment, on pense en premier lieu au réseau fédéral.

En France, deux fédérations tentent d’aider les personnes en situation de handicap à pratiquer un sport. Il s’agit de la FFH (Fédération Française du Handicap) et la FFSA (Fédération Française du Sport Adapté). Dans la thèse de Flavien Bouttet soutenue en 2015 (Organiser la pratique sportive des personnes handicapées – Entrepreneurs et dynamiques institutionnelles dans la construction de l’action fédérale-), il y décrit les réticences de ces 2 fédérations à promouvoir « l’inclusion des personnes en situation de handicap dans les mouvements associatifs traditionnels ». En 2015, le président de la FFH s’interrogeait sur la capacité des fédérations traditionnelles à prendre en compte les personnes et insistait au sujet de la diversité des publics à prendre en charge. Il invoquait également dans ce discours les compétences nécessaires pour la prise en charge des personnes handicapées : la maîtrise de la langue des signes, la connaissance des différentes pathologies des gens pratiquants les disciplines en fauteuil… Autant d’arguments donnés pour mettre en évidence les compétences des fédérations spécifiques et le manque de compétences dans les fédérations traditionnelles.

Cependant, l’exemple du club de Montélimar prouve l’inverse. À Montélimar, aucun bénévole ne connaît le langage des signes ou n’a fait de formation spécifique. Et le résultat est sans équivoque. C’est un réel succès, que cela soit pour les personnes en situation de handicap ou pour les personnes investies de près ou de loin.  En disant cela, on ne veut pas mettre en opposition la FFTri et les fédérations spécifiques FFH et FFSA. Ils proposent d’ailleurs des guides et des ressources très pertinentes et intéressantes pour découvrir ou approfondir ses connaissances de cette population aux besoins spécifiques.  Mais on se veut rassurant dans le sens où l’ingéniosité, l’ouverture d’esprit et le travail d’équipe se veulent plus fort que des labels ou formations payantes ! Si la FFH et FFSA sont réticentes à l’inclusion dans les fédérations, c’est par peur de ne plus exister.  Au bout du compte, ce qui est important, c’est de centrer les préoccupations sur les personnes concernées afin de leur donner plus d’autonomie et de goût dans la vie sportive.

L’entraînement en commun

Dans cette seconde partie, on s’intéresse plus particulièrement aux possibilités de s’entraîner en commun. En effet, l’inclusion des personnes en situation de handicap devrait se faire en fonction de leur vitesse de locomotion plutôt que sur leur spécificité physique ou sensorielle. À titre d’exemple, je vais illustrer mes propos avec “LA” performance qui a retenu toute mon attention durant les JO de Tokyo. Elle n’est pas l’œuvre d’un athlète mais d’un nageur handisport. Son nom : Laurent Chardard. Si vous n’avez pas entendu parler du “9e couloir”, je vous invite à visionner la vidéo disponible sur la page Facebook de cet athlète exceptionnel de 25 ans. Pour faire court, Laurent Chardard s’est fait attaquer par un requin bouledogue à 2 reprises lors d’une session de surf à La Réunion. Il a survécu mais il a perdu son bras droit et sa jambe droite.  Le 1er août, il a nagé à Paris en simultané des 8 nageurs en finale du 50 m papillon à Tokyo remporté par Caleb Dressel en 21 »07. Le temps de Laurent : 30 »49.  Cet exemple montre que les capacités physiques des athlètes en situation de handicap sont souvent aussi bonnes voire meilleures que la majorité des “valides”.  J’ai également un autre exemple toujours dans le milieu aquatique. Il s’agit de Philippe Croizon. Ce picto-charentais a subi une amputation de ses 2 bras et de ses 2 jambes des suites d’une électrocution. Cela ne l’a pas empêché par la suite de traverser la Manche à la nage, chose impensable pour la quasi-majorité des personnes “valides”.

Il faut juste veiller à connaître ce public. À la piscine, cela veut dire qu’il faut anticiper dès que  possible les problèmes en fonction des spécificités. Pour les paraplégiques et tétraplégiques, il faut veiller aux risques d’escarre et donc éviter les chocs et frottements. Un simple tapis suffit à permettre une mise à l’eau sécurisée. La température de l’eau peut être l’objet de difficultés à thermoréguler pour ce public pour les séances plus longues. Pour les sorties en vélo et en athlétisme, les drapeaux en hauteur et l’accompagnement sont souhaitables.

Pour les personnes malvoyantes et non voyantes, en fonction de l’atteinte, la qualité de l’éclairage est essentielle. Il faut faire attention aux changements rapides de luminosité et optimiser les contrastes de couleur dans les indications écrites ainsi que la tenue de l’éducateur.

Enfin, pour les personnes présentant un handicap mental, il est recommandé de se rapprocher de la personne et de son entourage proche pour connaître les outils et stratégies utiles afin d’instaurer un sentiment de sécurité et de capter l’attention. Il est conseillé de proposer moins d’exercices et de les répéter plus.

Concrètement, pour accueillir des personnes en siuation de handicap, l’écoute est primordiale, plus que tout investissement matériel. Cependant, la sécurité des encadrants et celle des personnes en situation de handicap est essentielle. Il existe des systèmes audio waterproof pour les mal-voyants, mais avec des adaptations basées sur l’expérience de clubs accueillant d’ores et déjà ce public, ils peuvent être remplacés par un élastique de mercerie pour prévenir de la proximité du mur. De même, une frite placée à un mètre du bord peut faire l’affaire.

En cyclisme, faire des sorties en groupe permet d’être plus visible et de bénéficier du dynamisme créé. Un outil que j’avais déjà présenté dans le Trimax n°198 peut être utile pour s’entraîner dans un groupe au niveau hétérogène, il s’agit de la roue avant Airhub. Cette roue permet d’augmenter la résistance à l’avancement par le biais d’une force magnétique dans le moyeu.

En course à pied, j’ai le souvenir de séances réalisées à la Faculté des Sciences du Sport où l’on s’entraînait non pas sur une distance autour de la piste d’athlètisme, mais sur une durée. Par exemple, on courait sur du fractionné 30 » à VMA et 30 » de récupération passive sur place. On s’élançait d’un plot individuel et l’on terminait au même endroit. Le fait d’avoir des “lièvres ” permettait de créer un surcroît de motivation. Et tout le monde travaillait ensemble. L’histoire associative montre que les associations, quel qu’en fussent leurs formes et leurs évolutions, restent les premières actrices de la citoyenneté. Elles constituent un levier pour promouvoir les valeurs d’égalité, de liberté et de fraternité, les valeurs citoyennes. Elles renforcent le lien social, la solidarité et le vivre ensemble. Elles sont les principales garantes sur le terrain du respect des droits fondamentaux et de la lutte contre les discriminations. En 2019, 175 épreuves sur 3266 étaient référencées comme “accessibles” pour les personnes en situation de handicap.  Evidemment, il existe des labels pour les organisateurs et les athlètes handisport pour se faire connaître et/ou trouver une épreuve adéquate. Mais hormis pour des raisons techniques du fait du relief ou des revêtements, on se permet de rêver à ce qu’un jour ce label soit obsolète car toutes les épreuves sont d’ores et déjà accessibles aux personnes en situation de handicap.