Article paru dans le magazine 217_juin 2022 / Rédigé par Simon Billeau et Photos Cédric Le Sec’h

L’Hexagone regorge de triathlons “ondulés” voire montagneux. Cependant, on ne vit pas tous à la montagne. Ainsi, bon nombre d’athlètes évitent ces triathlons au dénivelé positif important parce qu’ils pensent qu’ils ne seront pas en mesure de grimper des cols légendaires. C’est se mettre des barrières inutiles. Car si tous les bons grimpeurs du Tour de France vivaient à la montagne, cela se saurait. En revanche, il existe de multiples façons de s’entraîner dans une région plate, où la plus grosse côte peut être le pont de l’Ile de Ré, pour un parcours comme l’Embrunman. Nous allons donc vous donner quelques conseils avant de devenir un meilleur grimpeur et, espérons-le, vous donner (la folle) envie de vous engager pour l’un de ces challenges.

Il y a évidemment des inconvénients à faire des courses vallonnées. Ces épreuves sont en général plus demandeuses d’effort car le temps total est plus long. Oubliez donc votre record personnel. Les courses vallonnées auront sûrement pour effet également d’avoir une puissance normalisée plus élevée que si le parcours était plat. En revanche, les côtes ou cols qui jalonnent le parcours peuvent aider à diviser un long parcours en plusieurs sections, ce qui mentalement , aide à se focaliser sur un objectif à court terme.

Rentrons maintenant dans le vif du sujet. Si vous vivez dans une région ou il y a des côtes, entraînez- vous au moins une fois par semaine pour développer votre force musculaire et votre confiance en soi notamment pour les descentes rapides. Prévoyez évidemment d’avoir une fréquence de pédalage plus basse que sur du plat et une puissance plus élevée. Si les descentes sont techniques et rapides et que vous n’êtes pas à l’aise, vous pouvez faire cet entrainement avec votre vélo de route plutôt que le vélo de triathlon.

Durant les ascensions, il est opportun d’alterner position assise et debout sur les pédales. Cela aide notamment à relancer l’allure par l’emploi de différents groupes musculaires (le haut du corps en particulier) et d’utiliser la gravité à votre avantage (votre poids poussera la pédale vers le bas naturellement) sans action musculaire du quadriceps. Une bonne tactique à l’entraînement est d’alterner les phases assises et debout. Cela peut être toutes les minutes. Être debout permet également de s’étirer et casser la monotonie de la position aérodynamique courbée sur votre prolongateur. Si vous avez une variété de côtes dans votre région (de longue et constante à courte et pointue), il est intéressant de les alterner. Mais garder à l’esprit qu’il est toujours plus efficace de s’entraîner spécifiquement. Donc si votre objectif est l’Embrunman, il vous faudra intégrer les 2 types de côtes dans votre régime d’entraînement car l’Embrunman ce n’est pas que l’Izoard… Pallon pour ne citer qu’elle, et ses 1,7km à 10,4% de moyenne avec ses passages à 14% vous piquera les mollets sans aucun doute, si vous ne vous entraînez que sur des pentes longues aux gradients de 5 à 6 %.

« Le vent de face, associé à un gros braquet et une plus faible cadence (entre 60 et 75 RPM) simulent des pentes montagneuses, du moins du point de vue musculaire et physiologique. »

Pour ceux qui n’ont vraiment rien à se mettre “sous la dent” du côté du dénivelé, votre région est peut-être venteuse. Le vent de face, associé à un gros braquet et une plus faible cadence (entre 60 et 75 RPM) simulent des pentes montagneuses, du moins du point de vue musculaire et physiologique. Si vous n’avez qu’une seule côte dans votre coin d’entraînement, mettez la à profit en faisant des séries dans celle-ci. Montez x fois cette côte en alternant le placement des mains (sur les cocottes au niveau des freins, au-dessus du cintre, ou dans les drops). Cette alternance limite le risque d’engourdissement aux mains et stimule les muscles stabilisateurs du tronc différemment. Alternez également l’intensité.

Il y a également des vélos d’entraînement intelligents qui vous permettent de monter l’Izoard ou l’Alpe d’Huez de chez vous. Wahoo est l’une des rares compagnies dont le système complet permet de simuler de la manière la plus réaliste qui soit les sensations de la route. Cela inclut le Kickr Climbr. Ce dispositif permet d’incliner le vélo a des gradients allant de +20% à -10%. Cf photo Wahoo kickr climbr.

L’un des aspects à garder à l’esprit quand on s’attaque à des triathlons montagneux est le contrôle de son rythme. En effet, à l’heure où quasiment chaque triathlète possède un capteur de puissance, il est relativement facile de lisser sa puissance moyenne sur une épreuve. Cependant, durant un parcours dont le relief varie, il est facile de se laisser emporter dans son élan et les pics de puissance s’avèrent délétère pour la course à pied subséquente. Restez donc assis au pied des bosses et tentez de grimper avec une fréquence un peu plus élevée afin de ne pas vous asphyxier.

D’un point de vue nutritionnel, il est plus efficace de prendre un gel ou tout autre produit énergétique quand votre fréquence cardiaque est basse (ou plus basse). Ainsi, il est en général mieux de se ravitailler avant une bosse que pendant l’ascension de celle-ci. Il est également judicieux de pratiquer les enchaînements course à pied après vos longues sorties. Votre capacité à enchaîner rapidement vous donnera une idée relativement fidèle de l’intensité adéquate ou non maintenue durant le vélo. Inutile d’enchainer un marathon, mais courir 15’ est suffisant pour entraîner vos muscles et votre mental à la spécificité de notre sport.

On ne va pas entrer dans le détail des composants cyclistes à privilégier pour un parcours montagneux, mais sachez néanmoins que des jantes moins aéro se révèlent plus légères, mais aussi et surtout plus facile à accélérer, ce qui s’avère être une économie d’énergie à chaque fois que vous relancez dans une côte. Le choix des pneumatiques est également important, notamment en ce qui concerne l’adhérence. Le nombre de virages que vous passerez à vitesse élevée est plus important qu’un plaine et des pneus dont les bandes latérales sont pourvues de “grips’’ (comme par exemple les Hutchinson Fusion 5) améliorent votre tenue de route. Vous pouvez également passer à la taille supérieure. Si vous aviez des 700x25c, essayez les 700x28c. En plus de réduire le risque de crevaison, vous pourrez aussi améliorer la résistance de roulement en gonflant moins vos pneus. Du point de vue de l’adhérence, vous serez également plus capable de déformer un pneu moins gonflé dans une courbe en appuyant sur la pédale opposée au virage et donc améliorer le contact du pneu au sol.

Dernier conseil en termes de thermorégulation : on produit souvent plus de chaleur dans une côte que dans une descente. Pour contrecarrer cette production néfaste de chaleur pour la performance, on peut s’asperger d’eau. Selon les ingénieurs de Core Body temperature, il est plus efficace de se mouiller dans la descente qui suit le col plutôt que dans la vallée car la vitesse de déplacement plus grande permet d’amplifier le phénomène de refroidissement. On espère vous avoir convaincu de vous lancer dans le grand bain des épreuves “démesurées”. La médaille n’en sera que plus savoureuse et les souvenirs impérissables.