TESTÉ PAR SIMON BILLEAU

A l’occasion du salon de l’Eurobike, la société Swiss Side, dont le co-fondateur est Jean-Paul Ballard, a invité les médias à effectuer des tests à la soufflerie d’Airbus à Immenstaad, le long du Lac de Constance en Allemagne.

Jean-Paul Ballard, pour ceux qui ne le connaissent pas encore, est le patron de Swiss Side. Il a étudié l’ingénierie aéronautique. Il a aussi travaillé 14 années dans le monde de la Formule 1 chez BAR, Toyota et BMW Sauber où il était le chef de l’équipe des ingénieurs. Son travail l’amène à collaborer avec des fabricants de matériel (comme DT Swiss ou Cube par exemple), des équipes cyclistes professionnelles comme Ineos et des triathlètes internationaux comme Patrick Lange, le champion du monde ironman. Patrick est le 1er athlète à avoir cassé la barre symbolique des 8h lors des championnats du monde IM à Hawaii. Avant sa collaboration avec Swiss Side, il était à 101 secondes des 8h. Il a pulvérisé le record en 7h52. Cela vous donne une idée du potentiel que l’aéro apporte à une performance globale. D’après moi, Jean-Paul Ballard est Le personnage clé dans l’aérodynamisme en cyclisme et spécialement en triathlon qu’il pratique également.
Voici pour l’aparté.

Place maintenant au compte-rendu de cette journée. Mais d’abord, on va vous expliquer les quelques termes principaux en aérodynamisme pour que vous en compreniez son intérêt.

On entend souvent dans le marketing des marques de vélo et du triple effort, des phrases du genre « vélo le plus aérodynamique du marché ou de l’histoire ». C’est déroutant en tant que consommateurs d’être prit pour des dindons. En général, ces marques ne procurent aucun résultat de ces tests. Et quand elles le font, elles ne révèlent qu’une partie du test, c’est-à-dire qu’elles vont tester leur vélo dans une multitude de conditions (par exemple en utilisant un mannequin complet ou seulement le tronc et la tête ; ou seulement avec un vent de face, les exemples ne manquent pas…). Nous y revenons un peu plus loin.

Afin de comprendre ce qu’est un test en soufflerie et ce que l’on mesure, il est nécessaire d’aborder quelques notions de base et des principes communément admis.
Ensuite, on va détailler 4 exemples d’idées reçues véhiculées dans le milieu du triathlon. Enfin, on vous fera partager notre session avec un descriptif complet des tests avec une explication des résultats obtenus.

Quelques notions à retenir…

Tout d’abord, cela n’est pas une nouvelle que d’écrire que la principale résistance à l’avancement est la résistance aérodynamique communément appelée « drag » ou « résistance à l’air ».
Ces termes simplifiés sont utilisés et usés par la communauté triathlétique avec parfois des idées reçues qui mènent la vie dure à des faits scientifiques validés.

La résistance aérodynamique peut se résumer au coefficient de trainée dont le symbole est Cx.
Un objet mobile comme un ensemble « cycliste et son vélo » se déplaçant dans un fluide comme l’air subit de la part de ce fluide une distribution de pression et un frottement dont la résultante s’oppose au déplacement. L’intensité de la force de trainée est exprimée en fonction de la vitesse, de la forme et de la taille de l’ensemble et du fluide dans lequel il interagit.

On pourrait entrer dans les détails et décrire la force de trainée qui est la résultante qui s’exprime en Newtons. Notez simplement que la force de trainée est dépendante du Cx, qu’elle est affectée par la surface du maître-couple et de la vitesse au carré.

La surface du maître-couple est une notion très simple à comprendre. Elle correspond à la projection du triathlète et de son vélo sur un plan perpendiculaire au déplacement.
La position du triathlète est donc déterminante dans le but de réduire cette surface de maître-couple. Un positionnement fait ave un expert peut aider à optimiser ce paramètre.
D’autres pistes découlant de cette notion permettent d’améliorer la surface de maître-couple comme modifier la longueur des manivelles.
Plus les manivelles sont longues, plus votre selle devra être basse. Ainsi, il est possible d’abaisser le poste de pilotage sans modifier la contrainte au niveau de votre cou.
La marque Sram propose des manivelles de 177,5mm par exemple. Rotor fait encore mieux avec des manivelles de 180mm. Ce ne sont que 2 exemples mais leurs produits sont également légers et aéro.

Une autre façon de réduire cette surface de maître-couple est d’baisser la tête autant que possible.

4 idées reçues qui ont la vie dure !
Dans le registre des idées fausses qui sont véhiculées dans les milieux triathlètiques et cyclistes, on peut en citer 4 :
• En général, un vélo aéro est plus lourd qu’un vélo route. Aussi, des composants aéros ou équipements aéros sont souvent plus lourds du fait d’une utilisation accrue de matériaux en comparaison d’un produit exclusivement léger. Or, on peut souvent lire sur les forums des experts affirmer qu’un vélo route serait plus efficace pour un parcours comme l’ironman France à Nice par exemple.
La réalité est toute autre !
Evidemment le poids et la rigidité sont importants. Mais un peu de poids ne ralentit pas autant qu’un meilleur aérodynamisme le rend plus rapide.
Un vélo léger sera plus bénéfique qu’un vélo aéro seulement lorsque la pente devient supérieure à 7,5% pour les cyclistes et 4,5% pour les triathlètes. C’est seulement à ces moments là que la vitesse est tellement réduite qu’un vélo plus léger économise plus de watts qu’un bon aérodynamisme.
N’oubliez pas que sur un parcours de 180kms, il y a des sections moins pentues, ainsi que des portions plates et en descentes qui bénéficient considérablement d’un meilleur aéro.
• Très souvent les débutants se tournent vers un vélo route traditionnel pour démarrer le triathlon. Or, l’aéro ne marche pas uniquement que pour les athlètes qui effectuent les parties cyclistes à plus de 40km/h. C’est même l’inverse.
Comme les débutants roulent à des vitesses plus basses, ils sont plus longtemps sur la route mais ils gagnent ou économisent plus de temps en pourcentage grâce à l’aérodynamisme d’un vélo.
• Certaines marques affirment que leur vélo est le plus rapide de leur histoire ou de l’histoire du cycle. Or, les vélos avec freins à disque sont en moyenne 2 watts plus lents et également environ 500 grammes plus lourds que leurs homologues équipés de freins à patins.
• Toutes les roues aéros ne se valent pas.
Une paire de roues ne peut se résumer qu’à sa hauteur de jante. 2 modèles avec une hauteur identique de 80mm ne donnent pas les mêmes résultats. Un paramètre intéressant pour comprendre cette affirmation est la force ou moment de direction .
On sait que le vélo complet ne représente que 25% de la trainée globale, les roues environ 8% alors que le triathlète génère 75%.
Les roues ne sont pas toutes autant stables et prédictibles lors de vent de travers. Or, si l’on ne peut conserver une position aéro, cela affecte les 75%.
Le moment de direction décrit la force que le triathlète doit appliquer sur le guidon pour garder la roue avant droite. Le changement de moment de direction doit être aussi uniforme que possible.

Place au test !

La soufflerie d’Airbus à Immenstaad est située à quelques encablures de Friedrichschafen où se déroule chaque année le plus grand salon du deux roues.

Cette soufflerie a une longue histoire. Elle a été construite dans les années 60 et de nombreux avions et missiles ont été développés et optimisés sur le plan aérodynamique dans ces murs comme l’Alpha Jet.

Différents arrangements de test produisent naturellement des résultats différents. Et il n’existe pas de méthodes standardisées. Les valeurs que les fabricants utilisent donc pour promouvoir leurs produits ne sont donc que très peu comparables.

Le moins problématique est la vitesse de mesure car le coefficient de résistance à l’air reste presque toujours constant que ce soit à 30 ou 45km/h. Les souffleries et leurs équipements de mesure peuvent être conçus différemment.

On peut aussi mesurer un produit seul ou sur un vélo, avec un athlète ou un mannequin (complet ou partiel). Cela a donc un impact sur les valeurs obtenues. L’important est de créer des conditions réalistes qui peuvent être traduites dans le monde réel.

Dans notre test, nous avons choisi une vitesse de 45km/h en utilisant mon vélo personnel, le Edge Sprint EV. Nous avons également choisi des angles d’attaque de l’air de 0 à 10°. C’est ce que l’on appelle le yaw. Cela est rendu possible par un plateau d’essai qui tourne pour simuler un vent de côté.

Le banc d’essai est dynamique ce qui veut dire que les roues tournent. C’est, selon moi, un critère indispensable du fait de la prise en compte de l’interaction entre les pneus et les roues.

La 1ère mesure était destinée à obtenir une valeur de référence. Les ingénieurs ont voulu la refaire à 3 reprises car mon coefficient de trainée était très bon (le 2e qu’ils ont vu de l’histoire de la soufflerie triathlètes et cyclistes confondus). En effet, dans ma position de « praying mantis » mise au grand jour à l’époque moderne je m’entends par Antony Costes, mon Cx n’est que de 0,188. C’est très aéro ! Pour tenter de faire une comparaison qui ne vaut pas grand chose car mes résultats ultérieurs étaient obtenus avec Aero Ace à la soufflerie de Nevers Magny-Cours, mon meilleur Cx était 0,32 avec mon BMC TM01.

Nous avions environ 2h à disposition. J’ai voulu objectiver la supériorité de mon guidon Morf Tech par rapport à un guidon de triathlon incluant une basebar et les extensions. Cela semble évident à première vue. Encore faut-il le démontrer. En amont de ce passage en soufflerie, j’avais réalisé une série de tests chez moi à Perth en Australie. Ils consistaient à rouler 10kms en aller-retour à puissance constance monitoré par le capteur de puissance le plus précis du marché à savoir Infocrank.

Le but était de déterminer l’inclinaison optimale du guidon afin de l’adopter en course. J’avais commencé à 0° soit les extensions à plat pour finir en position « praying mantis » avec un angle de 45° par rapport à l’horizontale. Entre les deux positions, j’avais augmenté l’inclinaison de 5°. J’avais obtenu une courbe en U où les meilleures positions étaient les extrêmes. Entre les deux, les temps sur 10kms s’allongeaient pour un plus mauvais résultat obtenu à 25°.

En soufflerie, les tests ont confirmé ceux obtenus sur le terrain. Les 2 positions sont très aéros. Cependant, la position praying mantis n’a pas une très bonne répétabilité (+/- 2,5 watts). Cela est confirmé par l’outil développé par Swiss Side, le système à râteaux de mesure des pressions, importé du monde de la Formule 1.

D’après ce dernier, les flux d’air dans la position praying mantis sont instables au contraire de la position avec les extensions à plat.

L’air est perturbé notamment au niveau de la tête et de la ceinture scapulaire. Cela est très certainement la conséquence de la position des avant-bras en amont. Ils agissent comme une bulle de moto mais sans distribuer les flux d’air de manière aussi efficace.

Nous avons également passé le guidon Morf Tech au test. Comparé à un guidon classique, le Morf Tech économise 5 watts. C’est considérable. C’est donc le guidon le plus rapide du marché sans l’ombre d’un doute.

Outre le guidon, nous avons testé 2 casques de chez Ekoï. Le Koïna utilisé par Patrick Lange est environ 5 watts plus rapide que le casque aéro à queue courte. C’est dire si le Koïna est aéro en général, un casque aéro est en moyenne 3 watts plus aéro qu’un casque route aéro et 6 watts plus aéro qu’un casque route avec de nombreuses ventilations.

Finalement, et je suis fier d’avoir été l’un des pionniers à mettre au grand jour le 1X, le fait de n’utiliser qu’un seul plateau réduit le drag de 3 watts. Il ne faut pas non plus oublier les quelques 300 grammes en moins sur la balance.

Des marques comme Sram ou Digirit s’investissent pour promouvoir un système de transmission plus simple. Digirit est le leader de cette technologie. Les plateaux sont disponibles sur le site : www.patentaiwan.com

Et vous pouvez bénéficier de 15% de réduction en utilisant le code DIGIRITSIB

En conclusion, la résistance aérodynamique est la principale résistance à l’avancement : 69% alors que le poids de l’ensemble cyslistevélo est de 16% et les résistances de roulements sont de l’ordre de 15%.

L’importance d’optimiser votre équipement, tenue de course et encore plus votre position n’est plus à démontrer. Evidemment une position qui inflige des contraintes sur votre corps. Votre souplesse et flexibilité articulaire sont donc à prendre en compte.

Au regard des résultats scientifiques, la règle n° 1 en aéro est d’être le plus bas possible. Mais cela doit être pondéré si cette position est inconfortable au point de militer votre production de puissance. Par ailleurs, l’aéro n’est pas un paramètre que seulement les meilleurs devraient prendre en compte. Tout le monde bénéficie d’une réduction de drag. Jugé par vousDOSSIER DU MOIS même. 1 watts d’économisée peut représenter 2’ sur 180kms. On vous recommande de déterminer une position optimale qui sert de référence et de travailler votre stretching, musculation, yoga pour physiquement être capable de la maintenir la durée de votre épreuve.

Côté matériel, il est impossible d’affirmer qu’une trifonction, ou roues ou vélo sont les plus rapides. Cependant, voici quelques conseils pour vous guider à les choisir :

• Assurer vous que la trifonction que vous essayez ne fait pas de plis sur les épaules et les côtés du tronc. Aussi, un modèle une pièce est plus rapide qu’un ensemble deux pièces. Enfin, l’air n’aime pas la peau. Choisissez donc une trifonction dont les manches sont les plus longues possible.

• Côté roues, inutile d’utiliser une roue avant avec une jante haute si vous ne pouvez maintenir votre position aéro. Le moment de direction est le critère clé. Dans ce domaine, les deux meilleures marques sont Swiss Side et DT Swiss.

• Concernant les vélos, la 1ère chose à faire est de définir votre budget. Ensuite, il faut évidemment se tourner vers un vélo de triathlon plutôt qu’un vélo route. Enfin, préférez les vélos avec freins à patins plus aéro, plus légers et moins chers. Enfin, comme le poids n’est pas un critère autant important que le drag, concentrer vous sur un groupe périphérique plus abordable comme le Sram Tap Force. Sram est plus aéro que Shimano du fait de l’absence de câblerie qui coûte 3 watts