PAR SIMON BILLEAU

L’optimisation de l’aérodynamisme est en vogue chez les constructeurs de vélos de route et de triathlon. Ce paramètre déterminant de la performance en triathlon s’applique à l’ensemble « cycliste-vélo ». Quand bien même il est possible d’améliorer l’aérodynamisme de votre vélo en s’équipant des dernières roues, tenues aéro, casques, guidons et j’en passe, la majorité de la résistance aérodynamique est créée par le cycliste lui-même.
La position est donc primordiale pour plusieurs raisons : l’aérodynamisme et le confort. Dans notre discipline des sports enchaînés, la position a également un impact sur la performance sur la course à pied subséquente. C’est la raison pour laquelle il est selon nous indispensable de se faire positionner par une entreprise spécialisée dans le positionnement et dont les connaissances en triathlon sont reconnues, au risque d’être posé comme un cycliste respectant les régles UCI et de ne pas tirer profit de votre entraînement sur la dernière discipline.

Dans un premier temps, on va vous décrire ce qu’il est important de déterminer pour avoir un vélo adapté à votre morphologie. En même temps, on apportera des arguments pour un positionnement spécifique pour le triathlon. Enfin, on vous donnera des pistes pour choisir le vélo le plus adapté à votre pratique et votre morphologie.
Déterminer vos coordonnées :
Lorsque vous décidez d’aller vous faire positionner par un expert, vous devez repartir avec des coordonnées (X et Y) et non pas seulement des angulations de vos articulations.
Il y a 4 mesures :
• la hauteur de la selle,
• le recul de la selle,
• la distance entre le boitier de pédalier et la douille de direction ou le reach,
• la hauteur du guidon à partir du boitier de pédalier ou le stack.

Avant de passer en revue ces 4 mesures, il est important de se pencher sur le positionnement des cales. En effet, il y a 3 points de contact entre le cycliste et le vélo : les mains, le derrière et les pieds. Les cales permettent de relier les pieds aux pédales.
Autrefois, le positionnement idéal était déterminé en plaçant les cales dans l’alignement de la ligne perpendiculaire séparant l’os métatarse à la 1ère phalange métatarse du gros orteil. Ce raisonnement provenait de l’analyse de la foulée en course à pied où la force maximale est exercée quand le centre de gravité du corps passe en avant de cette ligne.

Or, le cyclisme et la course à pied sont des sports bien différents. Le type de contraction (concentrique pour le cyclisme et pliométrique pour la course à pied) et le type de chaîne sont différents (fermée pour le cyclisme et ouverte pour la course à pied). Par ailleurs, les chaussures dans les deux sports différent également. Les chaussures de course à pied ont leurs semelles flexibles alors que celles en cyclisme sont des plus rigides qui soient. La biomécanique des deux sports est donc difficilement transférables.

Aujourd’hui, les experts en positionnement vélo suivent la tendance pour laquelle les cales sont placées le plus possible en arrière pour les efforts continus et constants et « traditionnel » pour les efforts intermittents.

En voici les raisons :
a) Plus les cales sont avancées, plus l’athlète recrutera le muscle du mollet pour stabiliser le pied sur la pédale en raison de l’effet de levier des cales s’éloignant du point de pivotement de la cheville. Cette activité musculaire n’est pas directement utilisée pour propulser le vélo en avant à moins que appuyez le plus fort possible comme dans le cas d’un sprint. Au fur et à mesure que le cycliste se fatigue, le talon tombe presque toujours lorsque le mollet se désengage du patron de locomotion. Les fibres musculaires à contraction rapide du mollet sont de très grands consommatrices d’énergie – elles sont efficaces pour fournir de l’énergie à haute intensité mais sont moins utiles pour un travail long et de stabilité. Par conséquent, il est utile de minimiser le recrutement des muscles du mollet.
Inversement, plus les cales sont reculées, moins le mollet est utilisé pour la stabilité du pied sur les pédales. Toutefois, le bémol est qu’un positionnement des cales en arrière se traduit par une réduction de la capacité d’accélération lorsque le mollet est recruté pour assister le reste de la chaîne musculaire lors d’efforts intenses.

b) Une position de cales plus avancée déstabilisera presque tous les cyclistes sur un côté au fil des années. Du fait d’un déséquilibre de force des deux mollets, le bassin s’inclinera légèrement sur l’un des côtés avec des conséquences pour vos genoux. Donc qu’est-ce que tout cela veut dire? Cela signifie qu’il faut faire des compromis et individualiser en fonction de la morphologie et du type de pratique (courte ou longue distance ; débutant, confirmé ou élite). Une position des cales en avant signifie une plus grande capacité à changer de vitesse rapidement et à accélérer (sans toutefois affecter la vitesse maximale) aux dépens de la stabilité du pied. Une position de cale plus en arrière signifie plus de stabilité sur la pédale avec moins de recrutement des muscles du mollet, mais une capacité de sprint réduite. En d’autres termes, les triathlètes de courte distance préféreront probablement une position des cales plus avancée et les coureurs de longue distance opteront probablement avec une position des cales plus en arrière.

A ce titre, la question naturelle et logique à se poser ensuite concerne l’optimisation du placement des cales pour le triathlon longue distance. Pourquoi ne pas positionner les cales encore plus loin en arrière de manière à dégager complètement le muscle du mollet que ce que les chaussures du marché ne permettent?
Gotz Heine et son entreprise bio-mxc² ont déjà produit une chaussure avec les cales montées au milieu de la semelle. Les implications biomécaniques d’un tel positionnement des cales sont très positives pour les coureurs longue distance. Les mollets sont épargnés, ce qui laisse les muscles plus puissants de votre jambe de produire la puissance – les ischio-jambiers, les quadriceps et les fessiers. Un autre avantage est la nécessité de baisser la selle de 30 à 40 mm avec cette position des cales, ce qui signifie un centre de gravité plus bas, une surface frontale réduite et une meilleure stabilité en descente.
https://www.biomac.biz/

Par ailleurs, une étude de janvier 2013 publiée dans le Journal of Sports Sciences par Viker et Richardson a montré qu’une position des cales traditionnelles versus en arrière améliorait la vitesse de course pendant le 1er kilomètre de la course à pied d’un triathlon d’un triathlon sprint.

Revenons maintenant sur la hauteur de la selle. C’est une mesure importante car elle peut entraîner des blessures au niveau des genoux notamment.
Cette mesure se fait du centre du pédalier jusqu’au dessus de la selle (généralement le milieu de la selle dans sa longueur).

Une revue de littérature a montré qu’un angle de genou de 155° lorsque la manivelle est parallèle au tube de selle est limite avant de n’avoir des soucis de genoux.
Ainsi, à l’aide d’un goniomètre, il est aisé de mesurer l’angle du genou et d’abaisser ou de monter la selle afin d’obtenir un angle proche de cette valeur.
A noter qu’’il est judicieux de vérifier la longueur des deux jambes que ce soit pour le placement des cales mais aussi pour la hauteur de la selle. Il faut se baser sur la jambe la plus courte pour éviter une hyper-extension du genou.

Ensuite, il faut passer au recul de selle. Traditionnellement déterminé avec la manivelle à l’horizontale et en plaçant un fil d’aplomb sur la rotule. Le fil qui forme une ligne verticale devait passer par l’axe de la pédale. Si le fil était à l’avant de l’axe de la pédale, on reculait la selle, si le fil était à l’arrière de celui-ci, on avançait la selle. Cela permettait notamment d’avoir un recrutement harmonieux entre les fessiers, ischios-jambiers et quadriceps.

Aujourd’hui, avec des angles de selle plus élevés (généralement autour des 78/82°), ce principe ne tient plus. D’une position traditionnelle en générale en arrière, le triathlète de longue distance est basculé en avant. Ce faisant, la surface frontale est diminuée car le dos est plus à plat et les reposes-coudes sont abaissés mais on garde des angles des genoux, de la hanche, des épaules et des coudes identiques.

Par ailleurs une étude de novembre 2011 publiée dans le Journal of Applied Biomechanics par Silder, Gleason et Thelen a montré que l’augmentation du tube de selle seule n’a eu aucun effet sur la cinématique musculaire, mais a induit une activité du quadriceps droit antérieur significativement plus grande pendant la phase ascendante de la manivelle. Cette modification de la cinématique et de la coordination musculaires pourraient potentiellement contribuer à l’amélioration des performances de course déjà observée immédiatement après une course sur un vélo spécifique au triathlon . En effet, en recrutant plus le quadriceps pendant le cyclisme, on épargne les muscles fessiers et ischios-jambiers plus utilisés durant la course à pied.

Le reach et le stack :

Les notions de Reach et de Stack permettent de renseigner le cycliste sur sa position sur le vélo. Le Reach correspond à la mesure horizontale entre l’axe du boîtier de pédalier et la douille de direction. Quant au Stack, il indique la hauteur entre l’axe du boîtier de pédalier et la projection horizontale de la douille de direction. Deux mesures simples qui permettent d’obtenir rapidement une idée de la position au guidon. Ainsi, plus la valeur de Stack est élevée, plus la position sera relevée est confortable. Plus le Reach est important, plus la position sera aérodynamique, car allongée sur le vélo. On parle ainsi de ratio Stack-to- Reach. Celui-ci peut varier. Le ratio est grand pour les vélos les plus confortables et le ratio est petit pour les vélos les plus radicaux.

Une fois que vous avez obtenues ces valeurs avec un spécialiste en positionnement, il vous faut choisir le vélo qui conviendra à votre pratique et la position déterminée virtuellement. Le tube horizontal est le premier élément de la géométrie vélo sur lequel porter son attention. En effet, c’est lui qui déterminera la taille du vélo. Seulement, la longueur du tube horizontal n’est pas si évidente à établir ! Cela est dû à la généralisation des cadres dits « sloping » pour les vélos route. Ceux-ci disposent d’un tube horizontal incliné vers l’arrière, c’est-à-dire qu’il est fixé plus bas sur le tube de selle que sur le tube de direction. Cette solution est aujourd’hui adoptée par la majorité des vélos de route puisqu’elle offre un regain de rigidité au cadre.

Dans le cas d’un cadre sloping, il faudra se référer à la longueur virtuelle du tube horizontal, c’est-à- dire la longueur à l’horizontale entre l’axe du tube de direction et la projection de l’axe du tube de selle.

Ensuite, il faut se pencher sur l’ajustabilité du poste de pilotage.

En général, les équipementiers décrivent ce paramètre dans la rubrique «géométrie ». Mais c’est souvent un casse-tête pour comparer une marque à une autre.
Avec l’émergence des vélos de triathlon équipés d’un guidon intégré, l’ajustabilité du poste de pilotage est parfois réduite. Il faut donc doublement se méfier avant de se lancer dans un achat de plusieurs milliers d’euros. Le graphique montre par exemple que l’ajustabilité d’un vélo de triathlon à un autre est bien différente. Le Trek Spped Concept a un rectangle relativement grand ce qui indique un ajustement du poste de pilotage large contrairement au Giant Trinity.
Cependant, des marques d’accessoires inondent maintenant le marché d’extensions avec différentes longueurs, angles et même des cales pour reposes coudes inclinés pour augmenter la surface de contact des coudes lors d’usage d’extensions relevées genre « praying mantis ».

Par exemple, la société australienne Sync Eergonomics proposent des cales, reposes-coudes et extensions pour cette position relevée.
https://www.syncergonomics.com/

Enfin, et c’est souvent un composant dont les consommateurs ne se préoccupent pas jusqu’à ce qu’ils expérimentent des douleurs aux fesses… En effet, la selle est souvent négligée. Or, c’est un point de contact primordial pour le confort.
2 critères sont en général à prendre en compte en triathlon, la largeur du bec de selle et l’épaisseur du rembourrage. Le 1er critère est lié à votre morphologie. Si vous avez un bassin étroit, privilégiez une selle dont la largeur est réduite et inversement. Quant au rembourrage, c’est un choix personnel à faire entre confort et légèreté.
On espère que ces indications vous permettront de rouler vite (ou plus vite) et sans douleur.