Article paru dans le magazine 214 _mars 2022 / Rédigé par Jean-Baptiste WIROTH – PhD, Docteur en Sciences du Sport et Fondateur du réseau de coach WTS (www.wts.fr)

La survie des êtres humains repose sur l’oxygène. Sans oxygène, nous périssons en quelques minutes. Le rôle de la fonction respiratoire est donc d’apporter de l’oxygène aux cellules. La fonction respiratoire joue un rôle essentiel dans la performance dans les sports d’endurance. Pourtant, nombre de triathlètes n’utilisent pas leurs capacités pulmonaires de manière très efficace. Cette inefficacité se traduit essentiellement par un fatigabilité accrue, donc par une limitation de l’endurance. Par ailleurs, l’entraînement spécifique de la fonction respiratoire est souvent délaissé dans les sports d’endurance, sous prétexte que le geste est naturel et automatique. C’est une erreur stratégique selon nous.

Quels sont les rôles de la fonction respiratoire ?

L’objectif principal de la fonction respiratoire est principalement d’apporter de l’oxygène aux cellules, en particulier musculaires. L’oxygène est capté au niveau des alvéoles pulmonaires, pour ensuite être acheminé par les globules rouges du sang vers les tissus. Ce processus constitue la chaîne du transport de l’oxygène. L’autre objectif est d’évacuer le CO2, fruit de la respiration cellulaire, dans le sens inverse : des cellules vers les poumons.

Secondairement, le travail des muscles respiratoires permet aussi d’avoir une influence positive sur le système digestif (massage des organes) et sur le système nerveux (détente et relaxation).

Comment entraîner la fonction respiratoire ?

Il y a quelques années, nous avons pu tester la méthode d’entraînement respiratoire Spironess, qui vise à améliorer les capacités respiratoires ainsi que les performances aérobies maximales. Cette méthode a été développée par le Dr. Florence Villien, chercheur en Physiologie de l’Exercice et conceptrice de la méthode. Elle est enseignée en France à des sportifs individuels et des groupes (Olympique de Marseille par exemple). D’après son travail de thèse de doctorat, l’entraînement par la méthode Spironess permet d’améliorer les principaux indicateurs de l’endurance de rameurs de compétition (aviron) déjà très performants (VO2max moyen de 67 ml/min/kg au départ).

Protocole de l’étude

Les rameurs ont été répartis en 2 groupes homogènes et ont été soumis à des tests avant et après une période d’entraînement de 8 semaines. Les tests réalisés comprenaient une spirométrie (évaluation respiratoire), des mesures de pressions inspiratoire et expiratoire (évaluation de la force des muscles respiratoires), et une épreuve d’effort maximale triangulaire en laboratoire sur ergomètre approprié (rameur), avec mesure des gaz, de la lactatémie et de la fréquence cardiaque.

Protocole d’entraînement respiratoire

Lors de cette étude, un seul des deux groupes a complété son entraînement d’aviron habituel par un entraînement respiratoire. Le groupe entraîné avec la méthode Spironess a ajouté 3 à 5 séances d’entraînement respiratoire par semaine pendant 8 semaines à raison de 30 min par séance. Deux types d’exercices ont été réalisés à chaque séance :

  • L’ultrapnée qui consiste à effectuer des mouvements respiratoires extrêmement lents et amples, entrecoupés d’apnées. Le but de cet exercice est de ralentir le rythme cardio-respiratoire.
  • Le diaforce qui consiste à effectuer des hyperpnées (respirations profondes et rapides) nasales abdomino-diaphragmatiques très actives suivi d’une manœuvre de Müller amplifiée (l’inverse de Valsalva) pour étirer les muscles précédemment activés. Le but de cet exercice est de tonifier les muscles “piliers” de la respiration (diaphragme et abdominaux transverses).

Résultats

Lors des seconds tests, seul le groupe entraîné aux techniques respiratoires a amélioré les paramètres physiologiques relatifs à l’endurance démontrant ainsi l’efficacité de la méthode.

– Diminution de la fréquence respiratoire de 9%

– Augmentation de la puissance maximale aérobie (PMA) de 10%

– Augmentation de la consommation maximale d’oxygène (VO2max) de 9%

– Pas de variation de la concentration en acide lactique

– Pas de variation de la concentration d’hématocrite au repos (pas de suspicion de dopage).

L’efficacité de la méthode Spironess reposerait tout d’abord sur le renforcement spécifique des muscles de la respiration (diaforce) : à l’issue du cycle d’entraînement, la pression des muscles respiratoires a augmenté, tant au niveau de l’inspiration (PIMax + 10%) que de l’expiration (PEMax + 23%). Ce renforcement musculaire agit sur l’amélioration de la fonction respiratoire au repos : la capacité vitale (CV) augmente de 5,5% et la capacité pulmonaire totale (CPT) de 5,4%.

Concernant l’amélioration spectaculaire de la VO2max et de la PMA, il semble que l’ultrapnée agit par conditionnement du rythme et de l’amplitude de la respiration. L’ultrapnée permettrait de moduler à la baisse le régime naturel de la respiration impulsé par les centres respiratoires cérébraux. L’hypothèse avancée par le Dr Villien pour expliquer l’amélioration de VO2Max résiderait dans le fait que la diminution de la ventilation d’effort induirait une diminution du débit cardiaque, permettant ainsi une meilleure captation de l’oxygène par les muscles. En clair, le sang circulerait moins vite, permettant ainsi aux muscles de capter plus aisément l’O2 en circulation.

Les autres méthodes d’entraînement respiratoire

Diverses méthodes ou appareils permettent de travailler la respiration. Petit tour d’horizon.

– Utiliser un appareil d’entraînement respiratoire type Powerbreathe, Ultrabreathe ou Airofit (lire notre test dans le magazine n°201). Ces outils, simples d’utilisation, contribuent à faire prendre conscience à l’utilisateur de l’importance de l’amplitude et de la régularité respiratoire. Ils permettent aussi le renforcement des muscles respiratoires. En l’état actuel des connaissances, ces outils ne semblent pas avoir d’effet sur la VO2max ou la PMA.

– Cyclisme : faire du pédalage en apnée. Cette méthode d’entraînement consiste à alterner des phases de respiration avec des phases d’apnée tout en pédalant à une intensité moyenne. L’exercice type consiste à pédaler à 50% de la PMA (soit 60-70% de FCmax) tout en incluant 2 séries de 20 fois 8 secondes de pédalage en apnée suivies de 20 secondes de pédalage en respirant. L’objectif de progression consiste à augmenter le temps de travail en apnée, tout en diminuant le temps de récupération respiratoire. Cet exercice s’accompagnant d’un risque de syncope, il doit être entrepris uniquement sur home-trainer.

– Natation : En modulant sa respiration (3, 5, 7 temps par exemple) ou en incluant des apnées dynamiques (tentatives de traversée au fond de la piscine), il est possible de travailler efficacement ses aptitudes respiratoires et sa capacité d’oxygénation.

– PPG : faire des séries en apnée (squats, pompes, fentes, planche…) et respirer pendant les phases de récupération.

Pour conclure, partant du principe que « l’on améliore que ce que l’on entraine », la fonction respiratoire peut être optimisée par un entraînement spécifique qu’il convient d’insérer dans l’entraînement habituel du triathlète. Et il y a beaucoup à gagner selon nous, d’autant plus que l’athlète maîtrise mal sa respiration. Cependant, maîtriser sa respiration abdominale, utiliser son diaphragme, synchroniser sa respiration avec sa cadence de pédalage ou de course à pied… sont autant d’aptitudes à travailler pour qui veut progresser. Si vous avez du mal à voir comment procéder, un expert de l’entraînement peut vous aider dans ce sens pour planifier et guider ce type de travail.  

Références

Villien F, Yu M, Barthelemy P, Jammes Y. Training to yoga respiration selectively increases respiratory sensation in healthy man. Respir Physiol Neurobiol. 2005 ; 146: 85-96.

Villien F, Thèse de Doctorat de Physiologie obtenue le 16 Décembre 2005. Titre : Effets d’un entraînement respiratoire issu du yoga sur la sensation respiratoire et les capacités à l’exercice.

HajGhanbari B, et al., Effects of respiratory muscle training on performance in athletes: a systematic review with meta-analyses. J Strength Cond Res. 2013 Jun;27(6):1643-63