Article paru dans le magazine 207 _juillet 2021 / Rédigé par Jean-Baptiste WIROTH – PhD, Docteur en Sciences du Sport et Fondateur du réseau de coach WTS (www.wts.fr)

Chez l’Homme, les périodes de sommeil succèdent invariablement aux périodes de veille selon un rythme circadien (alternance jour / nuit) en partie dicté par notre horloge interne, mais aussi par les stimulations environnementales (lumière, bruit, nutrition, sport …). Quel est l’impact du sommeil sur la performance sportive ? Éclairage…

Le “pourquoi” du sommeil est encore mal expliqué sur le plan scientifique.  Il est cependant évident qu’il contribue à la régénération des capacités physiques et mentales. C’est pourquoi un sommeil de qualité est indispensable pour récupérer efficacement des diverses activités entreprises au cours de la journée (travail, maison, sport…). D’ailleurs, la durée et la “profondeur” du sommeil sont naturellement proportionnelles à la fatigue accumulée pendant la période de veille. Au final, nous passons près d’un tiers de notre vie assoupis.

Un peu de physiologie

Le sommeil nocturne est régi par 3 à 5 cycles de 90 minutes en moyenne pendant lesquelles alternent :

  • Le sommeil lent léger qui correspond à la phase d’endormissement;
  • Le sommeil lent profond qui s’accompagne d’un ralentissement du métabolisme et d’une diminution du tonus musculaire;
  • Le sommeil paradoxal, où l’activité cérébrale est intense et le tonus musculaire nul. Cette phase de sommeil paradoxal est propice aux rêves. Elle s’accompagne de mouvements rapides des yeux sous les paupières fermées.

L’endormissement est un phénomène complexe sous l’influence d’une multitude de facteurs : alimentation, consommation d’alcool ou de café, lumière, bruit, mais aussi les rythmes circadiens (alternance jour / nuit) et les processus homéostatiques (sécrétion d’adénosine).

De nombreuses personnes souffrent de difficultés d’endormissement et/ou d’un sommeil de mauvaise qualité, nuisant ainsi à leur qualité de vie. Pour pouvoir s’endormir facilement, il faut que l’organisme soit dans un état d’équilibre, notamment sur le plan thermique,  et que la température du corps avoisine les 37°C.

Or, la plupart des sports induisent une élévation de la température, combinée à une sécrétion importante d’adrénaline ; lorsque l’on se retrouve à 38 ou 39°C, ce qui n’est pas rare, pas moins de 2 à 3 heures sont nécessaires pour redescendre à 37°C. On comprend dès lors  pourquoi la pratique de séances d’activité physique en soirée est responsable de difficultés d’endormissement, voire d’insomnie. Il est donc conseillé de s’abstenir de réaliser des séances très intensives (entraînement par intervalles) dans la soirée, notamment si l’on connaît des difficultés d’endormissement. Les sports susceptibles d’exciter physiquement ou nerveusement ne sont donc pas recommandés (sports de combat, squash, fitness…), à fortiori s’ils sont pratiqués en intérieur dans une ambiance “surchauffée”.

L’heure limite de pratique serait ainsi de 19 heures… En deçà, pas de souci, c’est même « tout bénéfice » ; pratiqué en journée, le sport serait en effet capable, à l’inverse de ce qui a été précédemment dit, de faciliter l’endormissement et d’induire un sommeil de meilleure qualité. Car la dépense énergétique et la stimulation nerveuse induites par l’activité physique contribuent à fatiguer l’organisme, et évacuer le stress accumulé dans la journée.

Pour les grands sportifs que sont les triathlètes, le sommeil est indispensable en quantité et en qualité pour permettre la récupération nerveuse et physique. En effet, c’est pendant le sommeil que la sécrétion d’hormone de croissance et que le restockage du glycogène sont les plus importants.

« Le sommeil est la forme la plus poussée du repos, s’avérant donc indispensable chez les sportifs pour optimiser la récupération. »

Pour terminer, il faut savoir que le manque de sommeil influence directement le métabolisme. Ainsi, tout déficit en sommeil augmente l’appétit en modulant à la hausse les hormones régulatrices (leptine, ghréline, orexine). Au final, l’augmentation des apports, couplée à la baisse de la dépense énergétique (car on est fatigués), peut engendrer une prise de poids.

Le manque de sommeil perturbe aussi le rythme circadien du cortisol ou de l’hormone de croissance, qui sont directement impliquées dans la régulation de la glycémie, si importante pour les sportifs d’endurance.  Pour terminer, des liens entre sommeil et immunité commencent à être établis par les scientifiques : il semblerait ainsi que la production de certains médiateurs de l’immunité évoluent sur un rythme circadien.  Plus spécifiquement lié à la performance sportive, il faut savoir que le manque de sommeil est lié à une moins bonne thermorégulation et augmente le risque de blessure musculaire. Bref, il vaut mieux bien dormir à l’approche d’un triathlon !

Les troubles du sommeil dans la population

Une personne sur trois serait sujette à un ou plusieurs troubles du sommeil, véritable fléau de nos sociétés modernes.

Parmi les troubles les plus fréquents, on retrouve :
– Insomnie chronique (16% de la population)
– Apnées du sommeil (5% des adultes)
– Syndrome des jambes sans repos (8% de la population)
– Narolepsie (0,026% de la population) …

Comment améliorer son sommeil lorsque l’on est triathlète ?

– Douche : les athlètes qui présentent des difficultés d’endormissement tireront bénéfice d’une douche fraîche (20-22°C) qui, en faisant baisser la température corporelle, permet de trouver plus facilement le sommeil. À l’inverse, des séances de sauna ou de hammam entretiennent l’élévation de température, délétère au niveau du sommeil.

– Relaxation : les techniques de relaxation visent à diminuer le tonus musculaire, à ralentir le rythme cardiaque et respiratoire… facilitant par conséquent l’endormissement. Il ne faut donc pas hésiter à faire du stretching ou de la méditation juste avant de s’endormir. Le simple fait de réaliser 10’ de respiration abdominale allongé sur le dos sur un tapis peut suffire à s’endormir “comme un loir”.

– Nutrition et sommeil : le contenu de l’assiette conditionne la capacité à s’endormir rapidement et à avoir un sommeil de qualité. La caféine (café, thé), certaines protéines animales (viandes rouges, œufs) et les repas très riches vont perturber le sommeil en cas de consommation excessive en fin de journée. À l’inverse, les repas légers, les féculents (pomme de terre, pâtes, riz, céréales…), les cerises, les kiwis tout comme certaines tisanes calmantes (tilleul, valériane) ou certain compléments (magnésium, vitamine B12) vont faciliter l’endormissement.

Focus sur la mélatonine

L’induction du sommeil est également sous la dépendance hormonale de la mélatonine. Appelée communément hormone du sommeil, la mélatonine est produite en situation d’obscurité, en début de nuit, par la glande pinéale (ou épiphyse), située à l’arrière de l’hypothalamus. À l’inverse, lorsque les cellules rétiniennes perçoivent la lumière, sa synthèse est inhibée. Lorsqu’elle est libérée en début de nuit, elle favorise le déclenchement du sommeil. Avec le vieillissement, la production de mélatonine est de moins en moins efficace. C’est ce qui explique de nombreux troubles du sommeil liés à l’âge.

Conclusion

À l’heure d’Internet, où notre système nerveux est toujours plus stimulé (réseaux sociaux, jeux vidéos…), il apparaît plus que jamais important pour les sportifs d’optimiser leur sommeil sous peine de voir leurs performances diminuées et leur santé compromise. Tout comme la nutrition et l’entraînement régulier, le sommeil est un véritable pilier de la forme !

Références

  • Chenaoui et al., How does sleep help recovery from exercise-induced muscle injuries? J Sci Med Sport 2021 May 18;S1440-2440
  • Keramidas ME et al., Short-term sleep deprivation and human thermoregulatory function during thermal challenges. Exp physic. 2021 May;106(5):1139-1148
  • Doherty R et al., Sleep and Nutrition Interactions: Implications for Athletes. Nutrients 2019 Apr 11;11(4):822