Article publiée dans le magazine TrimaX#161 – mars 2017 (https://www.trimax-mag.com/le-magazine161-est-en-ligne/)

 

Jean-Baptiste WIROTH, Docteur en Science du Mouvement Humain, Spécialiste en Nutrition Sportive

www.wts.fr

 

Le fer joue un rôle central dans notre organisme et est d’autant plus important dès lors que l’on pratique un sport d’endurance. Comprendre son rôle est essentiel pour prévenir toute carence et tout risque d’anémie. Ce mois-ci, on s’attaque donc au mythe des épinards et de Popeye qui ont bercé notre enfance.

 

 

Le fer se cache dans bon nombre de nos aliments à consommer plus ou moins régulièrement

 

Parmi l’ensemble des minéraux intervenant dans le bon fonctionnement de l’organisme, le fer joue un rôle particulièrement important. En association avec les globules rouges, il a la délicate mission de transporter l’oxygène des poumons jusqu’aux cellules.

 

Lors d’un effort en endurance, comme lors d’un triathlon, il n’est pas exagéré de dire que la performance repose presque exclusivement sur la capacité du sang à transporter de l’oxygène vers les muscles. Le niveau de performance d’un sportif ou d’une sportive sera donc d’autant plus élevé que sa capacité à transporter et à utiliser l’oxygène est importante. On évalue cela   avec la consommation maximale en oxygène, la fameuse VO2max.

 

Sur le plan physiologique, le facteur limitant se trouve donc être la capacité des globules rouges (via l’hémoglobine) à fixer et transporter l’oxygène aux muscles. De par sa richesse en fer, l’hémoglobine est directement influencée par les apports et les stocks de fer.

 

Outre son implication dans le transport de l’oxygène, le fer joue plusieurs autres rôles sur le plan du métabolisme et du système immunitaire. Le fer a donc un rôle central !

L’entrainement intensif puise dans les réserves de fer

 

Comment diagnostiquer une carence en fer ?

Seul un bilan sanguin permet de juger de l’importance des stocks. Il faut alors procéder à une numération de la formule sanguine classique (globules rouges, globules blancs, plaquettes) pour évaluer le taux d’hémoglobine.

En parallèle, il important de doser le fer sérique et surtout la ferritine, la protéine de stockage du fer) pour juger de l’importance des stocks de fer.

Les taux physiologiques de ferritine sont :

  • Homme : 20 à 310 μg·L-1
  • Femme : 20 à 204 μg·L-1 (après la ménopause : 20 à 250/300 μg·l-1)

 

NB : le taux de ferritine s’élève en cas d’état inflammatoire. Pour ne pas faire d’erreur de diagnostic, il convient de toujours s’assurer de l’état inflammatoire du patient en dosant la protéine C-réactive (CRP). Si le taux de CRP est normal alors la mesure de la ferritine est juste.

 

Les femmes sportives sont les plus exposées aux carences en fer

 

Conséquence d’une carence en fer (carence martiale)

Deux cas de figure existent : la carence martiale seule ou l’anémie ferriprive (diminution du taux d’hémoglobine due à un déficit en fer).

 

La carence martiale seule, même sans anémie, peut se manifester par une fatigue latente (asthénie), des difficultés à réaliser l’entraînement, des troubles de l’attention ou de la concentration.

 

Un sportif carencé en fer  est susceptible de développer une anémie ferriprive, pathologie qui se traduit les symptômes suivants : pâleur, asthénie, essoufflement à l’effort, céphalées, vertiges… En cas d’anémie ferriprive le sportif doit faire face à une baisse importante de ses aptitudes physiques ainsi qu’à une forte fatigue.

 

Toute proportion gardée, il en est de même lorsque les réserves de fer sont trop basses. Cette constatation n’est pas systématique mais il s’avère que nombre de sportifs se sentent fatigués lorsque la ferritine est faible (< 30 µg/L). Dans cette situation précise, a fortiori si les analyses de sang confirment au faible taux de ferritine, il ne faut pas tarder à « recharger » en fer !

 

Dans les 2 cas, il est très compliqué de maintenir un entrainement normal.
La prévention est donc de première importance en particulier à l’aube du saison de triathlon potentiellement chargée en entrainements et en compétitions !

 

Métabolisme du Fer

Chaque jour l’organisme élimine une certaine quantité de fer, les pertes de fer se faisant de différentes façons (sueur, urine, selles, pertes de sang). Ces pertes sont accrues chez le sportif et, a fortiori, la sportive.

 

Il faut être particulièrement vigilant sur la qualité des apports nutritionnels en fer dans cinq cas de figures particuliers :

  • Chez les athlètes féminines « réglées » qui perdent du fer à chaque menstruation.
  • Chez les jeunes athlètes dont les besoins en fer sont accrus du fait de la croissance
  • Lors de séjour en altitude où les besoins en fer sont accrus du fait du stress hypoxique
  • Chez les athlètes très entrainés dont les besoins en fer sont accrus du fait d’un entrainement poussé.
  • En amont d’un stage ou d’une épreuve en altitude.

 

La meilleure stratégie est donc d’anticiper les problèmes avec un apport régulier en fer via l’alimentation.

 

Que manger pour couvrir ses besoins ?

Les besoins en fer doivent absolument être comblés par l’alimentation pour qu’il n’y ait pas de déficit. Les apports nutritionnels recommandés sont de 16 mg/j chez le sportif et 25 mg/j chez la sportive.

En pratique, on peut recommander de consommer les aliments suivants :

  • Foie de veau (1 fois par semaine, le soir),
  • Viande rouge, volaille, lapin (3 fois par semaine, le soir),
  • Boudin noir (1 fois par quinzaine, le soir),
  • Germe de blé et levure de bière (quotidiennement),
  • Légumes secs (quotidiennement : lentilles, pois chiches ou haricots…),
  • Poisson (2 fois par semaine),
  • Huîtres et fruits de mer (1 fois par semaine de récupération).

 

Par ailleurs, certaines associations d’aliments améliorent ou inhibent l’assimilation du fer lorsqu’ils sont consommés en même temps que les aliments riches en fer :

  • Aliments activateurs : vitamine C (persil, jus de citron, kiwi, pamplemousse) et fructose (sucre des fruits) « potentialisent » l’assimilation du fer,
  • Aliments inhibiteurs : thé, café, laitages, épinards, oseille et bettes bloquent l’assimilation du fer (pour différentes raisons).

 

A noter, que l’assimilation intestinale du fer se fait mal lorsque la charge d’entraînement est importante (le tube digestif est alors “ stressé ” et laisse passer les nutriments). Aussi, on privilégiera la consommation des denrées riches en fer lors des phases de récupération (jours, et surtout, semaines de récupération) car ces périodes sont propices à une bonne assimilation du fer.

 

La vitamine C présente dans le kiwi, pamplemousse ou le jus de citron est un aliment activateur

 

Faut-il supplémenter en fer ?

En prévention, c’est inutile et potentiellement dangereux à long terme.

En cas de carence avérée, les supplémentations orales ne sont pas très efficaces et peuvent s’accompagner d’effets secondaires (problèmes digestifs).

Les traitements par injections de fer sont à réserver aux situations pathologiques (anémie ferriprive aigues) et doivent être supervisés par un médecin.

Il ne faut pas oublier que le fer est un élément toxique à haute dose.

Attention aux auto-supplémentations hasardeuses !

 

 

Références Bibliographiques

Riché D. Guide nutritionnel des sports d’endurance, 2e édition. Vigot (1998).

 

Effect of iron supplementation on fatigue in nonanemic menstruating women with low ferritin: a randomized controlled trial. Vaucher P et al., CMAJ. 2012 Aug 7;184(11):1247-54

 

A Case Study of an Iron Deficient Female Olympic 1500m Runner. Pedlar CR., et al. Int J Sports Physiol Perform. 2013 Feb 20