Article paru dans le magazine 221 _Octobre 2022 / Rédigé par Simon Billeau

Le triathlon moderne est un sport qui teste l’endurance de ces pratiquants sans pause entre ces épreuves. La tenue favorite est donc la trifonction : elle peut être portée du début à la fin de la course. Durant un triathlon, elle joue un rôle clé dans la performance d’un athlète et facilite la récupération en offrant un support musculaire et en appliquant des pressions sur des endroits ciblés du corps humains. Passage en revue des textiles et accessoires vestimentaires ayant un impact (ou non) sur la performance en course.

La trifonction

Les trifonctions sont fabriquées de telle sorte qu’elles sont en contact avec le corps, à la façon d’une seconde peau. Des interactions complexes entre des facteurs multiples, comme la structure des matériaux utilisés et leurs caractéristiques physiques, leurs propriétés mécaniques, les propriétés de transfert de chaleur et d’humidité, les dimensions et la forme du corps des triathlètes en rapport aux dimensions de la trifonction utilisée, rendent le choix d’une trifonction délicat.

De plus, le niveau de fatigue, mais aussi la dépense énergétique et métabolique de l’athlète, tout comme les conditions ambiantes, jouent un rôle clé dans la performance. Ces facteurs complexes sont des variables physiologiques, psychologiques et physiques qui, en interaction avec l’environnement et l’athlète, déterminent le confort de l’athlète.

Le triathlon est un sport estival et les événements se situent en général dans des environnements chauds avec une humidité plus ou moins prononcée en fonction des pays organisateurs. La température de l’eau varie entre 14 et 28°C, alors que la partie cycliste peut être plus chaude, jusqu’à atteindre le pic de chaleur lors du marathon, alors que les triathlètes sont déjà bien fatigués et souvent en état de déshydratation. De ce fait, la température corporelle des athlètes augmente à cause de l’intensité d’effort, avec une production de chaleur importante, ce qui affecte négativement la performance.

« Les vêtements compressifs améliorent surtout l’oxygénation musculaire et l’élimination du taux de lactates après l’effort, en course à pied et en cyclisme. »

Par ailleurs, une méta-analyse de Florian Engel et coll. (2016) intitulée « Les effets des tenues compressives sur la performance et la récupération sur des athlètes d’endurance » regroupe 55 articles à ce sujet. Ils démontrent que les vêtements compressifs n’améliorent pas de manière significative la performance en course à pied. Néanmoins, il semblerait qu’ils améliorent la performance en cyclisme, et l’élimination du taux de lactates après l’effort, en course à pied et en cyclisme. 3 études ont montré une oxygénation musculaire améliorée pendant et après un exercice d’endurance. De plus, les tenues compressives réduisent la douleur post-exercice après des tests de vélo et de course à pied. Ainsi, avec la multitude de trifonctions sur le marché et la singularité des triathlètes, qu’elles soient corporelles ou physiques, il est difficile de choisir une tenue optimale pour sa pratique préférée, surtout quand le budget intervient aussi dans le choix.

L’esthétique est un critère relativement important pour la communauté triathlétique. Enfin, la trifonction n’est pas le seul vêtement que l’on porte sur une épreuve triathlétique. Sans parler de la partie natation, où la combinaison néoprène est portée au-dessus la trifonction et les possibles chaussons, gants et cagoule si vous optez pour un triathlon extrême genre Norseman ou Challenge Wanaka en Nouvelle-Zélande, ou des casques obligatoires durant la partie vélo (qui feront l’objet d’un dossier complet)… Il existe une multitude d’autres vêtements et accessoires qui peuvent améliorer le confort, l’aérodynamisme ou la thermorégulation. Il s’agit des bandeaux ou casquettes, des chaussettes et/ou manchons de compression pour mollets. On ne vous parlera pas aussi du choix des trifonctions, car nous vous présenterons dans un futur numéro le plus grand test comparatif de la quasi-totalité des trifonctions du marché.

Les casquettes

Les bandeaux n’étaient pas forcément populaires auprès des légendes du triple effort sur Big Island. Beaucoup se souviennent des batailles féroces entre Mark Allen et Dave Scott, l’un portant une casquette en polyester avec une visière en plastique ou carton dont le seul but était de protéger du soleil et l’autre une simple visière. Le regretté Laurent Vidal et Jan Frodeno, pour ne citer qu’eux, sont des adeptes du bandeau. Cependant, en termes d’innovation, leur bandeau n’est pas beaucoup mieux que les casquettes de la génération précédente.

Aujourd’hui, les marques qui proposent des chapeaux, bandeaux ou casquettes qui sortent de la norme se comptent sur les doigts de la main. Mais leurs produits offrent une supériorité incontestable. La première catégorie de casquettes qui apporte un gain en termes de thermorégulation est celle des casquettes munies d’un protège-nuque. Même si ce genre de produits n’est pas tendance mais il a l’intérêt protéger des rayons UV bien plus qu’une simple casquette ou visière.

Dans le cas d’une insolation, l’atteinte se situe au niveau neurologique. Lorsque la tête est exposée trop longtemps au soleil sans protection, le cerveau peut être en surchauffe. C’est l’hypothalamus, glande située au cœur du cerveau, qui voit son fonctionnement perturbé par les rayons du soleil. Le dérèglement de l’hypothalamus est à l’origine des symptômes de l’insolation. En temps normal, l’hypothalamus joue de nombreux rôles, et il assure notamment la thermorégulation du corps : c’est grâce à des capteurs, et en déclenchant la transpiration et la sensation de soif, qu’il maintient la température du corps à une constante de 37°C. Lorsque l’hypothalamus est exposé à d’importantes quantités de chaleur, il ne réussit plus à remplir cette tâche. La température corporelle augmente et déclenche une fièvre, pouvant aller dans des cas plus graves jusqu’à l’hyperthermie.

« Protéger votre tête et votre nuque des rayons UV vous aide à limiter l’augmentation de la chaleur interne due à l’insolation. »

On distingue l’insolation du coup de chaleur. Le coup de chaleur peut être une conséquence de l’insolation. Il résulte d’une augmentation excessive de la température corporelle. Le coup de chaleur peut donc être causé par insolation ou par une exposition prolongée à la chaleur ambiante, sans que cette chaleur n’ait forcément une origine solaire. Une activité physique prolongée ou trop intense peut également causer dans certains cas un coup de chaleur.

L’insolation résulte d’une exposition prolongée au soleil, surtout au niveau de la tête et de la nuque. Ce sont précisément les rayons infrarouges du soleil qui sont en cause, car ils sont transporteurs de chaleur et sont les seuls rayons solaires à pouvoir traverser la boîte crânienne. Ainsi, comme vous pouvez en déduire, protéger votre tête et votre nuque des rayons UV vous aide à limiter l’augmentation de la chaleur interne due à l’insolation. Plusieurs marques proposent des casquettes avec des protège-nuques. Choisissez-en une dont le mesh est respirable et permettant une évaporation de l’humidité plutôt qu’une en polyester.

Les bandeaux

Dans le registre des “couvre-chefs”, il y a aussi les bandeaux dont nous avons parlé précédemment. Leur rôle est avant tout d’éviter la sueur de tomber dans les yeux. C’est une sensation très désagréable lorsque cette sueur acide (la sueur a un pH entre 3.8 et 6.5 selon l’intensité de l’effort et la production d’ions lactates) suit sa course dans les yeux. Elle est très abrasive.

La marque Halo des Etats-Unis a déposé un brevet pour un accessoire logé à l’intérieur du bandeau. Il s’agit d’un joint flexible en silicone qui permet de retenir la sueur et de la rediriger vers les côtés. Ils sont aussi personnalisables, ce qui est un atout pour toutes celles et ceux qui aiment allier esthétique et efficacité. Leur technologie de “sweat seal” est très efficace, comme le montre une comparaison où les bandeaux sont saturés d’eau sur un mannequin pour reproduire l’effet de la sueur.

Enfin, le dernier modèle nous vient du Mexique. Il s’agit de la marque Omius, dont le fondateur et inventeur est un jeune ingénieur en physique du nom de Gustavo Cadena. Tous ceux qui ont suivi les JO de Tokyo ou les derniers championnats du monde Ironman à St-George ont vu ce bandeau sur le front de nombreux triathlètes. Ce bandeau a la particularité d’avoir des cubes issus de la nanotechnologie qui permettent d’augmenter la surface du front par 5. Or, c’est la surface de contact avec le milieu extérieur qui permet l’évaporation de la sueur… De plus, ces cubes produisent un effet refroidissant. Le fait de suer ou d’être mouillé amplifie le phénomène et le courant d’air produit par le déplacement fait le reste.

Les manchons

Maintenant, place aux manchons de compression et/ou aéro. Les manchons de compression pour le monde sportif ont commencé à se populariser dans les années 2000. Deux sociétés françaises sont d’ailleurs des leaders dans ce domaine (BV Sport et Compressport). Les manchons de compression se consacraient autrefois surtout à la pression mécanique qu’ils permettent, afin de tenter d’améliorer les performances physiques. En revanche, peu ou pas de données n’étaient disponibles quant à l’effet qu’ils pouvaient avoir sur l’aérodynamisme. On sait aujourd’hui que la plupart des matériaux utilisés pour fabriquer des vêtements de trifonction sont plus “rapides” que la peau. Ainsi, il était donc légitime de se poser cette question : est-ce que les manchons peuvent également vous aider à économiser quelques watts lors de la partie cycliste?

Des compagnies se sont engouffrées dans cette voie et l’une d’elle, Nopinz, utilise des turbulateurs pour dévier le flux d’air, crée une pression et permet un rattachement de ce flux d’air. Nopinz est l’une des rares compagnies à affirmer, sur son site internet, des gains par une réduction des watts dépensés comparativement à des jambes nues de… 5,8 watts.

Cependant, on ne connaît pas le lieu du test (sur route avec un capteur aero, sur un vélodrome, dans une soufflerie ?) ni les conditions du test (vitesse de déplacement, mannequin ou triathlète, direction du vent ?). On pourrait penser que le fait de voir des triathlètes professionnels utiliser certains produits est un gage de confiance et que les produits sont efficaces. Néanmoins, il faut garder à l’esprit que certains pros utilisent des produits du fait de sponsorship mais aussi et surtout parce qu’ils les ont testés et validés.

Dans le cas des manchons aéro de chez Nopinz, j’avais la quasi-certitude qu’ils étaient un atout dans mon arsenal pour lutter contre la résistance à l’avancement, du fait qu’un triathlète dont les connaissances en physique et en aérodynamisme me sont évidentes en la personne d’Antony Costes. Or, ma journée passée chez Aeroptimum à Nevers Magny-Cours a contredit mon hypothèse. Sur moi, ces manchons me “coûtent” 5 watts de plus à des vitesses entre 45 et 50 km/h. En clair, je vais plus vite sans les manchons qu’avec… Par ailleurs, les nombreux tests que cette compagnie française a réalisés montrent que ces manchons sont efficaces pour une vitesse autour des 30 km/h et avec un vent surtout de face, plutôt que de côté (5, 10 et 15 degrés). Pour mon cas, il semblerait que ce soit un design différent qui fonctionne, comme les chaussettes hautes de chez Castelli. Les lignes verticales permettent de détacher le flux d’air à plusieurs reprises et quel que soit l’angle d’attaque du vent.

En conclusion

Il n’y a pas beaucoup de principes aérodynamiques qui peuvent s’appliquer à une population en général. On ne peut pour ainsi dire ni affirmer, ni infirmer qu’un produit est meilleur qu’un autre pour telle ou telle personne. Seuls les tests permettent d’obtenir des résultats sûrs et fiables. À ce sujet, tous les tests ne se valent pas. Les capteurs aérodynamiques ont une marge d’erreur et les vélodromes ne sont pas capables de répliquer les conditions extérieures. En effet, les études montrent que seuls des angles de 0 à 3-4 degrés sont atteignables sur vélodrome. Or, sur une course comme Hawaï, on sait que la direction du vent varie de -10 à +10 degrés. Seule une soufflerie permet alors d’obtenir des résultats reproductibles.

La saison de triathlon 2022 s’achève, mais c’est déjà le moment de préparer la suivante ! Pas forcément en termes d’entraînement physique, mais des choix vestimentaires peuvent déjà s’opérer. L’intersaison est ainsi le moment privilégié pour optimiser l’un des 3 paramètres les plus influents sur l’aérodynamisme en triathlon, à savoir la tenue vestimentaire dans son ensemble, car chaque détail compte. Et l’aérodynamisme est de loin le critère numéro 1 en cyclisme.