Article paru dans le magazine 225 _Mars 2023 / Rédigé par Simon Billeau

De la 1ère roue en bois inventée en Mésopotamie (Irak actuel) 3500 ans avant JC, aux roues actuelles du monde du cyclisme, la roue a révolutionné la société. Que ce soit au niveau des moyens de transport, de l’agriculture, de l’artisanat (avec sa force centrifuge), et depuis plus d’un siècle dans le cyclisme moderne et particulièrement le triathlon.

Les roues d’un vélo sont souvent l’accessoire qui a le plus d’effet sur la performance de la partie cycliste d’un triathlon, après votre position. Elles ont d’ailleurs un impact sur votre capacité à tenir votre position aérodynamique qui est responsable d’environ 80% des résistances aérodynamiques. Le choix d’une configuration de roues doit donc être fait avec attention.

Une paire de roues est un élément essentiel de votre vélo, qui se révèle relativement onéreux. De quelques centaines d’euros pour une paire de roues en aluminium à plusieurs milliers d’euros pour les prestigieuses marques de roues de compétition en carbone, le choix est large mais dépend en partie de votre budget. Les plus “chanceux” d’entre nous peuvent posséder plusieurs profils de roues, ce qui leur permet d’adapter leur configuration en fonction des conditions météorologiques et de terrain, dont l’élévation. Pour les autres, l’achat doit donc être réfléchi et destiné à trouver le meilleur compromis afin d’obtenir une paire de roues polyvalentes. À moins que les roues que vous avez à disposition soient celles qui sont venues avec votre vélo complet. Même dans ce cas, il y a des informations dans cet article qui devraient vous intéresser.

Dans ce dossier, nous vous détaillerons quels facteurs déterminants affectent la performance des roues dans le système “vélo + triathlète”. Nous allons également vous présenter les facteurs extérieurs qui influencent le choix des roues.

Les facteurs importants lors de l’achat, l’aérodynamisme

Comme vous le savez toutes et tous, la principale résistance à l’avancement est la résistance aérodynamique, notamment à haute vitesse (et cela à partir de 15 km/h). Ceci étant dit, un gain aérodynamique est plus important en termes de temps pour quelqu’un qui passe plus de temps pendant la partie vélo que quelqu’un qui est déjà extrêmement performant.

L’aérodynamisme en triathlon est intimement lié à votre capacité à vous maintenir dans votre position optimale. Notez que votre position optimale n’est pas forcément la position la plus agressive possible, mais la plus soutenable. En effet, cela a toute son importance car d’une part, votre position et tout particulièrement l’angle de votre torse influent sur les valeurs physiologiques que vous pouvez atteindre. Plus vous serez allongé (donc un angle de torse le plus bas possible), moins vous serez en capacité à développer des valeurs cardio-ventilatoires élevées (V02max, expiration de dioxyde de carbone, ventilation par minute, pulsations cardiaques) selon Fintelman et al., 2015. Il vous faut donc trouver le bon compromis entre confort physiologique et aéro. Sachez aussi que selon M. Jermy et al., 2008, les roues lenticulaires sont les roues les plus aérodynamiques qui soient.

Ensuite, les roues à bâtons requièrent un tout petit peu plus de puissance que les roues lenticulaires pour une vitesse donnée. Enfin, les roues à rayons sont les moins aérodynamiques car elles requièrent plus d’énergie pour aller à une même vitesse.

« À une vitesse de 35 km/h, les roues à jantes hautes peuvent réduire le drag aérodynamique de 10 watts. »

Cependant, les roues à rayons sont plus performantes que les roues à bâtons pour ce qui est des vents de travers, ce que DT Swiss appelle la couple de braquage (steering moment). La science étant ce qu’elle est par nature, la vérité à un moment (en 2008) n’est pas forcément la vérité plus tard. Il faut donc prendre les études avec des pincettes et tester par vous-même. Jean-Paul Ballard, l’expert aérodynamique de Swiss Side en charge du design des roues de DT Swiss, m’avait d’ailleurs affirmé lors d’une session en soufflerie à Airbus en 2018 que les roues à bâtons sont moins aéro que les roues à rayons. Était-ce une vérité ou un argument pour défendre sa paroisse ? J’ai le sentiment que JP Ballard, de par les nombreux échanges que j’ai pu avoir avec lui au fil des années, m’a toujours conseillé en toute honnêteté scientifique.

Le mieux est de vous rendre dans un centre spécialisé qui pourra vous aider à optimiser votre position et déterminer quel équipement est le plus efficace pour vous. Si vous pouvez apporter différentes marques de roues avec vous dans une soufflerie comme à Nevers Magny-Cours chez Aeroptimum, vous pourrez en ressortir avec des certitudes. https://aeroptimum.fr/

JP Ballard a également confirmé que les roues lenticulaires sont les plus aéro et qu’elles permettent notamment d’obtenir un drag négatif lié à l’effet de voile (sailing effect). Les roues à jantes hautes permettent également de capturer le vent et de fournir une force propulsive. Par exemple, les roues Swiss Side ou DT Swiss (elles sont identiques hormis les autocollants) ne pénalisent pas la traînée aérodynamique à partir de 12 degrés de yaw (orientation du vent par rapport au triathlète). Sur un parcours comme Kona à Hawaï, le vent apparent (le vent ressenti dû au vent réel et à votre mouvement) est de l’ordre de 15 à 18 degrés. À une vitesse de 35 km/h, les roues à jantes hautes peuvent réduire le drag aérodynamique de 10 watts.

Pour la petite anecdote, la marque leader à Kona en 2022 était, une fois n’est pas coutume, Zipp avec 2485 paires de roues comptées sur les 2 jours de championnats du monde. Vient en seconde place, la marque helvétique DT Swiss avec 1514 paires de roues. Si on y ajoute les 278 paires de Swiss Side, on atteint presque 1800 paires.

En remontant le temps de quelques années, quand DT Swiss s’est lancée dans le bain de produire leur roues avec leur 1ère campagne “Road Revolution 2018”, DT Swiss et Swiss Side occupaient les 9e et 13e positions respectivement. Cumulées, ces 2 firmes pointaient à la 8e place. Alors qu’est-ce qui fait que Zipp domine le marché ? Est-ce que c’est la supériorité aérodynamique? J’ai demandé à Rémy Cavecchia d’Aeroptimum son opinion au sujet des fossettes (dimples) sur les roues Zipp.

« Les dimples sont inspirés de ce que l’on retrouve sur les balles de golf et qui visent à réduire la traînée aérodynamique en réduisant le sillage de la balle. L’idée est de rendre la couche limite turbulente pour retarder le point de décollement (diminution de la traînée de pression), c’est intéressant quand la forme physique est figée (sphère). La contrepartie, c’est que le passage à une couche limite turbulente augmente la traînée de friction. Dans le cadre de la balle de golf, la traînée de pression est largement supérieure à la trainée de friction et le gain est donc important. Dans le cadre d’une roue de vélo, il y a de la liberté sur le design de la jante et donc la possibilité de réduire le décollement par la forme, sans avoir à forcer la transition laminaire-turbulente de la couche limite. »

C’est donc surtout un argument marketing. Zipp fait également partie d’un groupe solide incluant Sram entre autres, ce qui leur permet de s’attacher les services d’ambassadeurs prestigieux. Leur succès est aussi lié aux partenariats forts noués avec certaines marques de vélo. Mais aussi et surtout que Kona à Hawaii reflète surtout par ses statistiques la réalité du marché américain quand on sait que 30% des compétiteurs à Kona sont Américains (plus de slots de qualifications sur les Ironman aux USA, niveau sportif plus bas, niveau financier plus aisé pour pouvoir se payer un voyage sur l’île du Pacifique). Il est donc probable qu’avec la délocalisation du championnat du monde à Nice par alternance, d’autres marques plus européennes parviennent à être plus représentées à l’avenir.

Pour en revenir au facteur aérodynamique, Il y a eu une évolution importante de la forme des profils ces dernières années. On est passé du V-shape au U-shape et maintenant les profils s’élargissent de plus en plus par l’avènement des roues en frein a disque qui annihilent la contrainte du dégagement des étriers de frein. Par exemple, les roues Campagnolo Bora ont une forme de jantes en V alors que les Zipp ont des formes en U.

La forme en U permet d’améliorer l’aérodynamisme de la roue, de même qu’avoir les écrous des rayons internes. En effet, la forme en U permet de conserver le flux d’air le long de la jante et de retarder le plus tard possible le décrochement de celui-ci, spécialement lorsque l’orientation du vent est latérale, ce qui est vrai dans la majorité du temps.

« La roue avant joue un rôle majeur, représentant 8% de la traînée totale. »

À noter que les roues dotées de frein à disques sont censées être plus aérodynamiques que les modèles freins à patins, du fait de la forme élargie des jantes. Mais c’est surement sans prendre en considération la nécessité d’un rotor de 140, 160 ou 180 mm qui perturbe le flux d’air au même titre que les jantes, que les roues avants possèdent 24 rayons comparées aux 16 ou 20 des roues freins à patins (du fait des contraintes mécaniques lors du freinage), et que la majorité utilisent des pneus plus larges.

Or, plus la surface du maître couple augmente, plus la résistance aérodynamique augmente. Mais les fabricants arguent que plus les pneus sont larges, plus le rendement (la résistance de roulement) et le confort sont grands. La traînée de forme est la force aérodynamique opposée au sens de déplacement du cycliste, ralenti par celle-ci. Elle dépend de la surface d’attaque du cycliste (75 %), du vélo et de ses composants (25 %) ainsi que de la vitesse. Afin de réduire cette perturbation au maximum, la surface exposée du cycliste et de son vélo doit être limitée en optimisant leur aérodynamisme.

Pour être plus rapide, la clé est de réduire la résistance aérodynamique du système vélo/triathlete, celle-ci augmentant proportionnellement au carré de la vitesse. En effet, à partir de 15 km/h, la traînée aérodynamique est la principale résistance opposée au triathlète. La roue avant joue un rôle majeur, représentant 8% de la traînée totale.

Le moyeu avant joue également un rôle significatif dans l’aérodynamisme. Or, les moyeux actuels incluant le système de freinage à disque sont plus volumineux car il dispose du système centerlock et doivent recevoir l’axe de 12 mm de diamètre, au lieu d’une attache-rapide de 5 mm de diamètre. Ceci n’est pas un article à charge contre les roues dotées de frein a disque, mais il s’agit d’énumérer et de discuter des faits et arguments marketing. Vous vous ferez votre propre idée.

Maintenant, l’aérodynamisme n’est pas le seul facteur déterminant de la performance d’une paire de roues. La résistance de roulement l’est également. Pour comprendre comment la résistance de roulement fonctionne, il faut comprendre qu’un pneu en contact avec le sol se déforme sous le poids du triathlète et de son vélo ainsi que les forces appliquées sur ce dernier.

L’hystérésis est le phénomène qui décrit la perte d’énergie entre la déformation initiale du pneu qui est plus grande que l’énergie qui lui est restituée lorsqu’il reprend sa forme après la phase de contact avec le sol. La perte d’énergie se fait sous forme de chaleur. Les pneus les plus performants en termes de résistance de roulement sont ceux qui sont les plus élastiques et souvent les plus légers.

La largeur du pneu à prendre en considération ?

Les fabricants de roues et de pneumatiques s’accordent à dire que plus un pneu est large, moins sa résistance au roulement est élevée (à pression égale). C’est vrai seulement dans ce cas précis car la déflexion du pneu étroit est plus grande qu’un pneu large pour des surfaces de contact au sol identiques. Un pneu étroit aura une surface de contact longue et étroite alors qu’un pneu large aura une surface de contact large et courte. Cela aiderait à la traction également dans le cas de la roue arrière. C’est un bon point pour les pneus larges.

Mais comme certaines marques ont beaucoup de mal à l’accepter, les pneus plus étroits sont plus populaires du côté des cyclistes professionnels. En effet, un pneu étroit gonflé à une pression plus élevée que son homologue large permet une accélération plus aisée du fait notamment des masses en rotation plus faibles. L’agilité est également meilleure spécialement en courbes et virages. Faites l’expérience vous même de tourner avec un vélo de route comparé à un fat bike… Enfin, les pneus étroits permettent des gains substantiels, comparés aux pneus larges au niveau de la résistance aérodynamique. Le choix vous appartient encore, jusqu’à ce que les équipementiers arrêtent de fournir des pneus étroits…

Attention cependant à ne pas monter un pneu étroit (700x23c) sur une jante plus large (d’une largeur de 28 mm par exemple), vous perdriez l’avantage de vos jantes aéro et l’investissement financier avec. Le choix des jantes est donc important, de même que le choix des pneumatiques. Il est essentiel d’avoir des pneus qui correspondent à la largeur de la jante car la résistance aérodynamique est de loin la plus importante des résistances.

Roulements céramiques ou roulements en acier ?

Ensuite, il y a des frictions dans le moyeu et plus particulièrement dans le corps de roue libre. Tout le monde s’intéresse, ou du moins est attiré par des galets de dérailleur en céramique surdimensionnés censés vous faire économiser de nombreux watts pour quelques centaines d’euros. Hormis le fait que les vidéos de galets ou de boîtiers de pédaliers tournant pendant de nombreuses révolutions sont très convaincantes, il y a une différence majeure entre des roulements soumis ou non à une contrainte mécanique. En effet, lors du pédalage avec force appliquée sur les roulements, les billes du boitier de pédalier sont soumises à des “charges” comprenez forces radiales (dues au poids de l’axe des manivelles) et axiales (dues aux forces exercées par le triathlète appuyant sur les pédales). Les mêmes forces s’appliquent sur les roulements des moyeux et des corps de roue libre.

La différence majeure entre les roulements en céramique et les roulements en acier trempé est que les billes qui composent les roulements sont de différente nature. Les billes en acier trempé ont été durcies tandis que les billes en céramique sont des billes faites de nitrure de silicium (Si3n4) ou équivalents, mais les bagues intérieures et extérieures du roulement sont en acier. Une autre différence notoire est la composition de la cage, la partie qui maintient les billes à une distance constante entre elles, est de différente nature. Pour les roulements acier, les cages sont composées d’un ruban en métal pressé et riveté alors que les roulements céramiques utilisent des cages en plastique ou carbone. Or, c’est de là que vient le problème. Sous la contrainte mécanique, les billes en céramique plus denses déforment les cages et ces dernières deviennent usées en peu de temps.

« La masse rotative plus élevée aide à maintenir une vitesse constante sur terrain plat, d’où l’intérêt de jantes hautes sur des parcours roulants. »

Il est donc vrai que les roulements en céramique réduisent la friction mais de l’ordre de 0,01 watts par exemple entre la marque Enduro (roulements céramiques) et NTN (roulements acier) et cela seulement sur les 600 premiers kilomètres d’utilisation. Notre conseil est donc de ne pas vous focaliser sur les roulements en céramique. Ils sont un mauvais investissement, hormis pour une course unique, genre objectif de l’année…

Dans le fonctionnement de la roue, il y a également le corps de roue libre. Il est composé de l’un des 2 systèmes suivants :  soit un roulement à cliquets comme les moyeux Hed, soit un roulement incluant une couronne crantée et une bague filetée comme les moyeux DT Swiss.

Ils ont des avantages et des inconvénients, comme la facilité de l’entretien, l’engagement des surfaces de contact, le démontage… Mais encore une fois, le système parfait n’existe pas. Il y a toujours de la friction. Pour preuve, le bruit émis par les cliquets ou les bagues filetées les unes contre les autres que la communauté triathlétique aime tant est pourtant un symbole d’une perte d’énergie. En effet, un moyeu silencieux est plus performant qu’un moyeu bruyant.

Enfin, on pourrait parler du poids des roues. Ce sujet n’est pourtant plus trop en vogue comme un argument de vente car les fabricants passent tous aux roues en frein à disque. Cela faisant passer la paire de roues autrefois en frein à patins toute proche des 1 000 g à maintenant plus ou moins 1 500 g. Plus larges pour accommoder les pneus tubeless toujours plus larges, il faut donc plus de matériaux pour construire quelque chose de plus gros. Plus de rayons sur la roue avant du fait des performances de freinage accrue sur le moyeu et des moyeux donc plus volumineux et donc plus lourds. Ces roues modernes sont donc plus difficiles à mettre en action du fait d’une masse rotative et totale plus élevées. Cependant, la masse rotative plus élevée aide à maintenir une vitesse constante sur terrain plat, d’où l’intérêt de jantes hautes sur des parcours roulants.

Maintenant que vous connaissez les différents facteurs influençant la performance des roues, passons en revue les quelques conseils que nous pouvons vous donner en fonction des conditions extérieures qui sont par nature incontrôlables. Mais qui dit incontrôlable ne dit pas que l’on ne peut pas en tirer profit comparé à nos compétiteurs.

Conseil n°1

Pour tout triathlète, c’est de s’assurer de monter des pneus de la même largeur que vos jantes. Dans ce cas inverse, le flux d’air accroît significativement la pression de traînée et l’effet aérodynamique de vos roues est réduit à néant, voire vous pénalise.

Conseil n°2

On vous conseille toujours l’utilisation d’une lenticulaire à l’arrière car elle a très peu d’effet sur la stabilité de votre vélo. Léon Chevalier a d’ailleurs gagné l’Embrunman sur une lenticulaire. En revanche, choisissez la hauteur de votre roue avant en fonction du vent, l’orientation du vent et de l’exposition du parcours à ce dernier. Si le vent est faible, optez pour une roue la plus haute possible. Si le vent est fort et qui plus est, irrégulier, privilégier des roues avec une jante de hauteur intermédiaire (45 à 65 mm).

Conseil n°3

Utiliser des pneumatiques dont la résistance de roulement est la plus faible possible et cela selon votre goût du risque pour la crevaison… Par exemple, les pneus Vittoria Corsa Speed sont reconnus comme étant les meilleurs dans ce domaine, mais ils sont sujets à la crevaison. D’autres fabricants comme Schwalbe ou Continental sont légèrement plus lents, mais meilleurs contre les crevaisons.

Conseil n°4

Choisissez votre pression de gonflage en fonction de votre poids, de la qualité de la route et des conditions météos. Ainsi, si vous êtes un petit gabarit, il faut gonfler moins que si vous êtes taillé comme un rugbyman ! De même, si la route est mouillée, il est essentiel de réduire la pression pour augmenter le grip. Enfin, si la route est de mauvaise qualité, il est recommandé également de moins gonfler pour réduire les vibrations et les oscillations du vélo.

Comme disait Albert Einstein, « La vie c’est comme faire du vélo. Pour garder votre équilibre, vous devez continuer à avancer. » On espère que ce dossier vous aura apporté des informations pour faire des choix judicieux et avancer efficacement !