Article paru dans le magazine 219 _Août 2022 / Rédigé par Simon Billeau

La performance en triathlon est gouvernée par des paramètres déterminants et des paramètres limitants de la performance. Tous les triathlètes savent qu’il leur faut s’entraîner pour améliorer leur VO2max et leur seuil anaérobie par exemple. On sait également que la nutrition et l’hydratation avant et pendant une course sont des facteurs très importants à optimiser. Cependant, peu d’entre nous ne donnent assez d’importance à un paramètre limitant qu’il faut considérer bien plus que cela : la température corporelle.

En effet, la température corporelle interne ne bénéficie pas de la même attention que par exemple la FTP en vélo ou le seuil anaérobie en course a pied. Pourtant, la température corporelle interne influence ces valeurs. Durant l’exercice, la température corporelle augmente naturellement mais, si elle augmente de trop, la puissance ou la vitesse produite sont diminuées car le corps humain redirige la circulation sanguine des muscles actifs vers la peau pour dissiper la chaleur métabolique. Cela diminue drastiquement les performances et peut aussi mettre la santé des athlètes en danger.

Un nouvel appareil permet de pouvoir mesurer en continu la température corporelle interne de manière non-invasive. C’est une très bonne nouvelle car jusqu’à ce jour, la seule façon de contrôler sa température était soit approximative avec la prise de température de manière orale ou temporale, soit prohibitive avec l’ingestion d’un capteur de température (à usage unique, nécessitant l’achat d’un boitier pour exploiter les données et soumis à des contraintes temporelles comme l’ingestion au moins 6h avant l’exercice et la durée de vie courte de la batterie -24h).

Ce mois-ci, nous vous présentons donc un nouveau gadget qui devrait faire partie de votre arsenal d’outils si vous souhaitez améliorer vos performances et/ou pratiquer en toute sécurité, le Core Body Temp de chez GreenTEG.

Pour faire une description rapide de ce nouveau produit, il s’agit d’un capteur de température de 50 mm de long par 40 mm de large et de 8 mm d’épaisseur pour seulement 12 grammes. Ce boîtier résistant à l’eau (norme IPX7, ce qui permet donc d’utiliser le capteur Core Body Temp jusqu’à 1,5 m de profondeur) et à la sueur bien évidemment est certifié selon les normes médicales pour une fiabilité de l’ordre de 0,21 degrés celsius. En termes de durée d’utilisation de la batterie, elle ne nécessite qu’une charge tous les 6 jours en transmission continue ou 6 semaines en mode nuit. Le chargement se fait à l’aide d’un câble USB fourni. L’appareil se connecte à vos smartphones ou montres GPS, en Bluetooth ou en ANT+.

À noter que depuis le 22 janvier, la marque Coros a d’ailleurs intégré ce paramètre dans son répertoire de données et vous pouvez donc lire en temps réel des données comme la température corporelle, la température corporelle minimum et maximum ainsi que la moyenne. Par ailleurs, cet appareil est non-invasif et n’est pas influencé par la température extérieure ou l’hygrométrie.

Il se fixe sur votre ceinture de fréquence cardiaque ou à l’aide de patch inclus. Grâce à une montre comme la Coros Pace 2, vous n’avez d’ailleurs pas besoin de ceinture de fréquence cardiaque (FC) pour obtenir votre FC. Ainsi, vous pouvez éviter les désagréments comme les irritations et/ou de compression de votre cage thoracique et vous alléger de quelques grammes. Les données sont transmises sur une application gratuite et il vous est également possible de les visualiser sur l’application Coros. Enfin, côté prix, il vous en coûtera environ 250 € avec les frais de port inclus.

Comme nous vous l’avons dit en introduction, la température corporelle et le statut hydrique d’un individu sont intimement liés. Sawka & Coyle définissent la déshydratation comme le procédé dynamique de perte d’eau. On détermine en général le statut hydrique en mesurant la différence de poids avant et après exercice. Cependant, cette méthode est approximative pour notamment 2 raisons principales. Bien que l’on perçoit le mot déshydratation par une perte d’eau du milieu extracellulaire ou cardiovasculaire, ce n’est pas la région qui perd le plus d’eau pendant l’exercice.

« Le facteur qui a le plus d’influence sur la température corporelle est l’intensité de l’exercice et/ou l’incapacité à dissiper la chaleur métabolique (…) limite principale d’un être humain à performer en triathlon.»

Les exercices prolongés induisent toujours des transferts d’eau du foie et des muscles squelettiques durant le processus d’oxydation du glycogène (car 2-3 grammes d’eau sont stockés avec chaque gramme de glycogène) et un poids faible mais significatif également perdu lors de l’oxydation du glycogène et des graisses. Ainsi, une perte de poids à l’exercice ne veut pas forcément dire qu’il y a déshydratation du compartiment cardiovasculaire. Le principe du chargement en glucides avant un triathlon et donc le stockage de glycogène dans les muscles et le foie est considéré comme une méthode nutritionnelle bénéfique.

Des études montrent que cette technique de surcharge en glucides implique une prise de poids corporel les derniers jours avant la compétition. La marque Prepd offre d’ailleurs une boisson à base d’amidon qui facilite la rétention d’eau. Certains scientifiques pensent donc que le poids d’avant course n’est pas une bonne référence car il a été observé significativement plus haut que 2 jours avant l’épreuve.

En effet, Pastene et al ont montré que si un marathonien perdait 2 kg pendant un marathon, il était en moyenne déshydraté par seulement 200 ml. Il y a une grande différence dans la relation entre la déshydratation et la température corporelle dans les études en laboratoire et sur le terrain qui s’explique par un environnement avec une ventilation très faible. La dissipation de chaleur sur le terrain est plus grande grâce notamment à la convection. Des grands volumes de boissons fraîches en remplacement aux pertes ont montré des températures corporelles plus basses. Cependant, la déshydratation telle qu’elle est définie actuellement n’est pas responsable pour l’élévation de la température corporelle. Le facteur qui a le plus d’influence sur la température corporelle est l’intensité de l’exercice et/ou l’incapacité à dissiper la chaleur métabolique.

En résumé, la pesée avant et après une course majeure ne reflète pas la statut hydrique de l’athlète et spécialement son niveau de déshydratation. Il faudrait considérer le poids 2 jours avant la course. Par ailleurs, une perte de poids corporelle à l’effort le jour de l’épreuve phare ne doit pas forcément être compensée au gramme près. Nous y reviendrons.

Essayer d’optimiser ses performances en faisant des paris plus ou moins subjectifs sur la remplacement de ses pertes hydriques et métaboliques ainsi que des prédictions de puissances cibles à respecter le jour J est autant voire plus empirique que d’aller au charbon en n’écoutant seulement que ses sensations. En effet, la limite principale d’un être humain à performer en triathlon est sa capacité à dissiper la chaleur métabolique.

Core Body Temp, la révolution

Ainsi, l’outil de mesure de la température corporelle qu’est le Core Body Temp est révolutionnaire. Il permet d’individualiser les zones d’entraînement à la chaleur comme l’on détermine des seuils de puissance ou de vitesse. Un protocole de calcul de la température corporelle optimale est disponible sur le site de Core qui consiste à réaliser un test rectangulaire jusqu’à épuisement. Ce test comporte 3 phases. Une phase d’échauffement pour atteindre une température interne de 38 degrés celsius. Quand le test démarre, il faut noter la puissance et maintenir la fréquence cardiaque. Le test prend fin quand la puissance ou la vitesse ont diminué de 20%. Il faut noter la température à la fin. Le calcul de cet intervalle de température optimum permet d’obtenir les effets positifs de l’augmentation de la température corporelle, comme par exemple une augmentation du volume du plasma sanguin, tout en conservant une petite marge de manœuvre pour éviter les risques sur votre santé et des impacts négatifs sur la performance.

Il est crucial d’évaluer cet intervalle car il est individuel. Les différences d’un individu à l’autre sont significatives et de nombreux facteurs influent sur la température Les femmes par exemple de par leur cycle menstruel ont une température basale qui varie. La température corporelle basale des femmes augmente significativement après l’ovulation. Sachez aussi que les tablettes contraceptives suppriment le cycle menstruel et augmentent la température corporelle d’environ 0.6 degrés (Kelly et al., 2007).

« Le capteur Core Body Temp permet de guider l’athlète afin qu’il rationalise son entraînement dans le but d’induire des adaptations face à la chaleur, en identifiant des zones de seuil à la chaleur. »

Des variations de températures sont aussi liées à d’autres facteurs comme la nourriture et les boissons ingérées. Un régime faible en glucide diminue la température corporelle. L’alcool réduit la température durant la journée et l’augmente durant la nuit. La qualité du sommeil est également primordiale. La privation de sommeil ou l’insomnie ne permettent pas d’obtenir une réduction naturelle de température.

Vous l’aurez compris, le capteur Core Body Temp permet donc de guider l’athlète afin qu’il rationalise son entraînement dans le but d’induire des adaptations face à la chaleur en identifiant des zones de seuil à la chaleur. Le capteur permet aussi de faire des choix judicieux concernant un plan d’hydratation et de thermorégulation.

Comme vous le savez surement, les triathlètes thermorégulent principalement par évaporation de la sueur. Cette évaporation rafraîchit le sang qui circule juste sous la peau. Une hydratation adéquate assure que le cœur pompe de manière efficiente le sang vers les muscles et la peau. Pour calculer les besoins hydriques, il faut déterminer le taux de sudation sous les conditions de course.

En général, les triathlètes remplacent la sueur évaporée par des boissons afin de ne pas perdre plus de 2-3% de leur poids corporel. Certains font des choix plus extrêmes dans un but de performance. D’autres sont limités par leur capacité à ingérer plus d’1L par heure. De la même manière, il faut expérimenter les plages de déshydratation “maintenables” pour des durées et noter les pertes de vitesse ou de puissance ainsi que la température corporelle, qui varie en fonction de la déshydratation.

Il est possible d’optimiser sa stratégie de refroidissement en utilisant le bon timing et les spécificités d’une course (relief, vent…). Vous l’avez compris, l’utilisation du capteur Core Body Temp demande de passer par une phase d’apprentissage où l’on découvre ses propres valeurs liées à la chaleur produite par l’exercice et donc les températures corporelles qui en découlent.

Enfin, le capteur permet également d’aider les athlètes à s’adapter au décalage horaire. En effet, on sait que le cycle circadien est l’horloge interne de notre corps sur une période de 24h. Il régule de nombreux changements physiques et hormonaux. Le cycle de sommeil est lié au cycle circadien. La température corporelle est également très étroitement liée au cycle circadien. Elle a son minimum 2h avant le réveil et à son maximum entre midi et le soir. La variation quotidienne est de l’ordre de 0.5 degrés celsius et est facilement identifiable grâce au capteur Core.

Sur le terrain

Mon test sur le terrain a été des plus convaincants. D’une part, le capteur se fait très facilement oublier à l’effort. D’autre part, il est facile à mettre en route. Il suffit d’installer l’application Core et de le repérer via la connexion Bluetooth. Si vous disposez d’une montre GPS qui a intégré la température corporelle dans ses données, il vous suffit de réorganiser vos pages d’écran afin de faire apparaître la température comme par exemple la fréquence cardiaque ou la puissance. Pour démarrer le capteur, il suffit de le secouer et une lumière verte se met à clignoter.

« Son potentiel est énorme dans un but de performance et de santé. »

Personnellement, j’ai pu mesurer le bénéfice à pouvoir m’entraîner avec un capteur Core. Mes premières séances m’ont montré que je ne m’entrainais pas aussi intelligemment que je l’aurais pu si j’avais mis l’accent un peu plus sur la régulation de la température. J’ai pu constater une composante lente de ma température interne jusqu’à la fin de la séance, avec un indice de perception de l’effort très élevé. Au fil des séances et en adaptant sa stratégie d’hydratation et de refroidissement, j’arrivais à contrôler la température et à perdurer dans l’effort.

Pour conclure, ce nouvel appareil non-invasif, abordable et fiable devrait faire des émules dans le monde triathlétique. Son potentiel est énorme dans un but de performance et de santé. Il n’est d’ailleurs pas surprenant qu’un garçon comme Kristian Blummenfelt ou la majeure partie des équipes du peloton du Tour de France l’utilisent.

Il est évident qu’il faut s’entraîner pour progresser. Par contre, être en mesure de pouvoir connaître sa température corporelle et les temps limites que l’on peut atteindre à des températures précises en fonction de puissance donnée ou de fréquence cardiaque est une innovation dans notre façon de nous entraîner et de concourir. À ce titre, nul doute que l’un des futurs paramètres que les athlètes suivront durant leur course sera la température interne, plus que leur fréquence cardiaque ou leur puissance.