Article paru dans le magazine 230_Août 2023 / Rédigé par  Jean-Baptiste WIROTH – PhD, Docteur en Sciences du Sport et Fondateur du réseau de coach WTS (www.wts.fr)

Avec les Jeux Olympiques de Paris 2024 qui approchent (nous sommes à moins d’un an), c’est tout le monde du triathlon qui se prend à rêver de médailles pour la délégation française ! Si nos champions sont performants, nombre de jeunes athlètes vont se retrouver dans les écoles de triathlon à la rentrée scolaire. Voyons quelles sont les spécificités de l’entraînement du jeune triathlète.

Le développement de l’enfant

En préambule, il est bon de rappeler les étapes importantes :

  • De 0 à 3 ans, on parle de petite-enfance
  • De 3 à 12 ans, on parle d’enfance
  • De 12 à 18-19 ans, c’est l’étape de l’adolescence

L’enfance est une phase de la vie où le métabolisme, la morphologie et la psychologie sont en plein développement. C’est durant cette période que l’enfant apprend à marcher, parler et manger de manière autonome. C’est donc une période clé pour le développement psycho-moteur !

Ce processus de développement accéléré requiert beaucoup d’énergie, il faut donc en tenir compte pour ce qui est de la charge d’entraînement sportif. Même si les enfants ont une capacité d’entraînement assez conséquente (et souvent sous-estimée), il convient de ne pas les épuiser physiquement et mentalement, sous peine de compromettre leur développement et de les dégoûter.

La physiologie de l’enfant

L’entraînement des jeunes triathlètes doit être axé en priorité vers un travail en groupe, varié et amusant. C’est une donnée très importante pour maintenir un niveau de motivation élevé.

Sur le plan physiologique, les enfants supportent relativement bien les efforts d’endurance, soit des exercices de longue durée réalisés à une intensité faible à moyenne. Cependant, comme ils font preuve d’une fatigabilité précoce, en particulier sur le plan mental, il ne faut pas hésiter à “fractionner” les séances, plutôt que de travailler en continu.

Quoi qu’il en soit, on ne proposera donc surtout pas de sorties trop longues (cf tableau ci-après). Lorsqu’on est dans la fourchette haute en terme de durée, il conviendra de toujours inclure une ou deux pauses “ravitaillement”, fort utiles pour maintenir une glycémie stable et un état d’hydratation optimal

Au niveau bioénergétique, il est important de noter que les enfants sont naturellement enclins à avoir une mode de déplacement “explosif” : regardez-les évoluer dans une cour d’école et vous verrez combien de sprints de courte durée ils effectuent. Lors d’une séance de vélo ou de course à pied, les plus jeunes fonctionnent donc souvent sur un mode “accélération sur 50m / pause / accélération sur 50m / pause…” Le travail de la puissance anaérobie (sprint court) est donc assez naturel chez les enfants.

À l’inverse, l’enfant pré-pubère n’est pas prédisposé à effectuer des efforts de type “sprints longs” (de 20 secondes à 3 minutes) car la filière métabolique dite “anaérobie lactique” n’est pas encore opérationnelle. Il ne faut donc pas trop insister sur les sprints longs de 30 secondes à 1 minute.

Il est important de noter que les différences morpho-physiologiques entre garçons et filles ne sont pas significatives pendant l’enfance. On peut donc tout à fait proposer le même type d’activités.

À partir de la puberté (13 ans chez les jeunes filles, 15 ans chez les jeunes hommes), les jeunes filles vont voir leur masse grasse augmenter (les pénalisant ainsi dans toutes les activités où ils faut lutter contre la gravité), tandis  que les jeunes hommes vont voir leur masse musculaire augmenter (les favorisant ainsi pour toutes les activités de force et de puissance).

L’entraînement du jeune triathlète doit être adapté à l’âge des pratiquants, il convient donc de différencier l’enfance de l’adolescence.

Durée maximale des séances (indicatif)NatationVéloCourse à pied
8-10 ans20 min40 min20 min
10-12 ans30 min1 h30 min
12-14 ans45 min1 h 3045 min
14-16 ans1 h2 h1h
16-18 ans1h153 h1h 15

« Le triathlon est un sport très complet qui permet de favoriser le développement d’un certain nombre de compétences chez les jeunes sportifs. »

L’entraînement triathlétique

La pratique du triathlon durant l’enfance et l’adolescence peut être très formatrice, du fait des nombreuses habiletés qu’elle contribue à développer, tant sur le plan de la motricité (endurance, gestion de l’effort, technique de nage ou de pilotage…) que sur le plan des compétences plus générales (gestion du stress, gestion du risque, organisation…). En effet, chacun des 3 sports présente ses avantages.

La natation

Elle présente de nombreux intérêts.  En premier lieu, il est indispensable de rappeler que la maîtrise du “savoir nager” permet d’éviter nombre d’accidents domestiques. Pour cette simple raison, il est important d’apprendre à nager dès le plus jeune âge.

Une fois la maîtrise de la baignade acquise, il est possible de débuter par des séances d’entraînement qui favorisent l’acquisition de la motricité aquatique dans les 4 nages. La technique de nage et la “glisse” s’acquiert surtout entre 6 et 12 ans, après c’est plus compliqué et laborieux.

➤ En pratique, il convient de proposer des séances ludiques de type :
– Parcours aquatique mêlant changement de direction, orientation, apnée

  • Séries de nage incluant un travail de renforcement musculaire à sec (squats, pompes, élastique…) après chaque longueur

Le vélo

C’est un formidable outil de mobilité et de découverte. Mais le vélo peut s’avérer très dangereux. La maîtrise de son engin, en toutes circonstances, est donc une compétence clé ! 

En termes de sécurité passive, le port du casque (bien ajusté et serré) est bien entendu indispensable. L’utilisation d’un vélo adapté en termes de taille et en bon état opérationnel (frein, vitesse, pneumatiques…) semble aussi être un préalable incontournable à la maîtrise des divers risques.

En termes de sécurité active, il semble intéressant d’apprendre rapidement aux jeunes athlètes comment être à l’aise sur sur son vélo et gérer les situations de perte de contrôle. En cela, les pratiques de types VTT, ou pump-track sont très intéressantes.

➤ En pratique

  • Toujours proposer des séances de roulage dans un environnement sécurisé : grand parking inutilisé, parc, piste cyclable
  • Proposer des parcours de type gymkhana avec changement de direction et de déclivité multiples
  • Double tâche : apprendre à poser et récupérer ses bidons sur un banc
  • Transition : apprendre à monter et descendre du vélo à la volée

– Chasse au trésor… etc

La course à pied

C’est un sport naturel et pratique, mais malheureusement assez peu ludique pour les enfants. Il faut donc arriver à rendre amusantes les séances de running.

➤ En pratique, il faut diversifier au maximum chaque séance :

  • Relais sous toutes leur formes 
  • Multi-enchaînements
  • Course d’orientation

Les transitions étant l’essence du triathlon, il est recommandé d’inclure des transitions entre les 3 sports à chaque séance.

Plus globalement, la dimension collective est une grande source de motivation chez les jeunes. En ce sens, toutes les activités de type relais ou course par handicap sont très motivantes.

En résumé, le triathlon est un sport très complet qui permet de favoriser le développement d’un certain nombre de compétences chez les jeunes sportifs. À terme, les principaux objectifs à atteindre pour l’enfant sont :
1- Une maîtrise technique la plus complète possible dans les 3 sports, ainsi que dans les transitions
2- Apprendre l’autonomie en terme de gestion de son effort et de gestion de son équipement

« Pour favoriser la pratique régulière du triathlon chez l’enfant, il est absolument indispensable de stimuler le plaisir et de limiter tout ce qui peut être source de dégoût. »

Amusement et motivation

Jusqu’à 13-14 ans, il est donc important de proposer aux enfants des séances qui seront sources de plaisir : plaisir d’apprendre, plaisir de jouer, plaisir de progresser, plaisir d’être avec ses copains et/ou ses parents… En effet, la recherche du plaisir est un puissant moteur, y compris chez l’enfant. Pour favoriser la pratique régulière du triathlon chez l’enfant, il est donc absolument indispensable de stimuler le plaisir et de limiter tout ce qui peut être source de dégoût (sorties trop longues, trop dures, trop monotones, énervement…).

Il ne paraît donc pas raisonnable d’entrer dans une logique de véritable “entraînement” avant la catégorie cadet (15 ans), en particulier pour ce qui est de la préparation physique.

L’apprentissage est une source importante de plaisir et de motivation. En effet, l’enfant est motivé à pratiquer si on lui propose des séances qui lui permettent d’apprendre et de progresser. Essayez de varier au maximum les parcours et les ateliers pour entretenir leur attrait pour le triathlon.

L’enfance est une période particulièrement adaptée pour développer harmonieusement toutes les qualités neuro-motrices (coordination, adresse, équilibre…). C’est pourquoi il n’est pas vraiment recommandé de spécialiser l’enfant sportif dans la seule activité triathlon dès le plus jeune âge.

Dans un souci de polyvalence, il vaut mieux privilégier une large palette d’activités. La pratique d’autres sports est donc vivement recommandée. C’est d’ailleurs un des objectifs de l’EPS que de proposer un panel d’activités sportives très variées : sports collectifs, athlétisme, natation, gymnastique, tennis…

À l’adolescence, si l’enfant décide de faire un peu plus de compétition, le moment sera venu d’entrer dans une logique de préparation physique avec toutes les contraintes que cela implique.